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Arrêt maladie et congés payés : la dualité droit français-droit européen

Kafkaïen. L’arrêt de travail d’un salarié lui donne-t-il droit à des congés payés ? Non, selon le Code du travail français. Oui, selon le droit européen. On fait le point sur cet épineux dossier auquel les chefs d’entreprise mosellans vont invariablement être confrontés.

Selon le Code du travail français (articles L. 3141-3 et L. 3141-5), qui conditionne le droit au congé à la réalisation d’un travail effectif : «Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.» En conséquence, les périodes où le salarié est absent (y compris pour maladie) ne comptent pas pour calculer le nombre de jours de congés payés. Mais cette règle nationale n’est pas conforme au droit communautaire, notamment à l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, ainsi qu’à l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Les alertes de la Cour de cassation

Depuis 2013, dans son rapport annuel, la Cour de cassation alerte d’ailleurs le gouvernement sur la nécessité de réformer les règles françaises sur le sujet. En 2018, la  Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) précisait même que les règles de droit communautaire sont directement invocables par un salarié dans un litige qui l’oppose à son employeur en droit français. Face au refus des juges d’appliquer cette règle, la Cour de cassation a rendu le 13 septembre dernier deux arrêts de principe qui expliquent clairement que le salarié malade a bien droit à des congés payés (Cass. soc. 13-9-2023 n°22-17.340 FP-BR, Sté Transdev c/ Z ; Cass. soc. 13-9-2023 n°22-17.638 FP-BR, B. c/ Sté Transports Daniel Meyer). La Cour de cassation écarte partiellement les dispositions du Code du travail et juge désormais que le salarié malade a droit à des congés payés durant les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle et pour accident du travail au-delà d’un an.

Une loi à venir

Ainsi, les règles du Code du travail français sont illégales selon le droit communautaire. La question de la réécriture des articles du Code du travail consacrés à cette question a été posée, le 15 novembre 2023, par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel (Cass. soc. 15 nov. 2023, n° 23-14.806). Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, avait indiqué devant l’Assemblée nationale en octobre dernier que la position de la Cour de cassation trouverait une traduction dans la loi française au début de l’année 2024. Même si la règle n’est pas encore inscrite dans le Code du travail français, la Première ministre Élisabeth Borne avait pris position fin novembre : «Je sais que les arrêts de septembre provoquent des inquiétudes chez les entrepreneurs. Nous mettrons notre droit en conformité au premier trimestre 2024, mais il n’y aura pas de surtransposition. Je souhaite réduire au maximum l’impact de ces décisions sur les entreprises.» Une loi devrait donc voir le jour très prochainement. Un arrêt de la cour d’appel de Paris, du 27 septembre 2023, a accordé 6 000 € d’indemnités de congés payés à une salariée pour des absences maladie de 2018 à novembre 2020.