Droit
Où en est la legaltech française ?
Où en est la legaltech en 2020 ? Où sera-t-elle en 2024 ? Les enseignements d’une enquête réalisée par l’association Open Law permettent de dresser un état des lieux de l’écosystème et des préoccupations de ses acteurs.
Pour identifier les tendances actuelles sur le marché de la legatech, l’association Open-Law*, Le Droit Ouvert, a réalisé en 2020 un sondage auprès de ses membres. Parmi les répondants figurent des start-up numériques du droit, des éditeurs de logiciels et des éditeurs juridiques traditionnels, des structures créées par des membres de professions réglementées du droit qui développent et proposent des produits et des services à titre accessoire, ainsi que des acteurs du conseil et de la formation spécialisés sur ce marché.
Des
services qui visent avant tout les professionnels
Il
ressort tout d’abord de cette enquête que si la legaltech
s’adressait essentiellement aux justiciables auparavant, ce n’est
plus le cas aujourd’hui. « En
2020, les nouvelles solutions legaltech s’adressent en priorité
aux professionnels du droit pour les aider à travailler autrement,
qu’il s’agisse des professions réglementées du droit –
avocats, notaires, commissaires de justice… –, des juristes
d’entreprise, des professions judiciaires – magistrats,
greffiers… Et cette tendance va probablement s’accélérer
dans les mois qui viennent »,
a expliqué le vice-président d’Open Law, Alexis
Deborde, lors de
la présentation de l’enquête le 21 janvier dernier dans le cadre
des conférences virtuelles #transfodroit.
Réseaux,
financement : « les
frontières sont poreuses »
Autre
enseignement de cette enquête : « c’est
un écosystème qui fonctionne en réseau, soudé. Ses acteurs sont
impliqués dans des associations, des réseaux, des groupes de
travail…, ce qui est assez naturel car ils ont besoin de travailler
ensemble pour innover »,
a-t-il poursuivi. En ce qui concerne le financement de ces
structures, les trois quarts des répondants ont déclaré être
financés par des fonds propres, et une structure sur deux a eu
recours à une levée de fonds. Et les deux tiers ont pour
actionnaires des professionnels du droit : « on
se rend compte que les frontières sont poreuses. Des acteurs de
profils différents unissent leurs forces et s’associent pour
développer un nouveau produit. »
Et ce phénomène « tend
à s’accélérer »,
a-t-il
précisé.
Un
développement entravé par certains règles juridiques
En
ce qui concerne les feins auxquels est confronté cet écosystème
sur son marché, un répondant sur deux estime que le cadre juridique
qui définit actuellement les contours du marché du droit limite le
développement de leur activité. Parmi les règles identifiées
comme des freins figurent, notamment, la question du partage
d’honoraires avec les professionnels du droit et celle des prises
de participation au capital de structures de professions
réglementées. « Ce
cadre juridique à vocation à évoluer dans les prochains mois ou
prochaines années, des réflexions sont en cours »,
a rappelé Alexis Deborde, en faisant notamment allusion à certaines
des propositions du rapport Perben, remis à la Chancellerie fin août
dernier1.
Faire
bouger les lignes sans préjudice à l’éthique
Longtemps
perçus comme des « braconniers » du droit, les acteurs
de la legaltech déclarent accorder beaucoup d’importance à
l’éthique. Un certain nombre d’entre eux sont d’ailleurs
signataires de chartes qui les engagent à aller vers une démarche
éthique (en ayant une utilisation responsable de l’intelligence
artificielle, par exemple), respectueuse des autres acteurs du droit
et des justiciables (respect des règles relatives au traitement des
données personnelles). « Même
si des lignes doivent bouger, il faut apporter des garanties pour que
les choses soient bien faites, dans l’intérêt commun et surtout
dans celui du justiciable »,
a commenté le vice-président d’Open Law.
Les
données, moteur du développement futur
Dernier
enseignement de cette étude : la question de l’accès aux
données, qui est déjà fondamentale aujourd’hui, le sera de plus
en plus dans les prochaines années, car ce sont elles qui permettent
de fournir des services performants et efficaces. Les deux tiers des
acteurs interrogés utilisent à la fois des données privées
(celles d’un cabinet, d’une entreprise…) et des données
publiques (décisions de justice, données économiques ou autres,
françaises ou européennes, disponibles en open access). Selon Dan
Kohn, directeur
de la prospective de l’éditeur de solutions logicielles Septeo
et membre d’Open
Law, « on peut
légitimement s’accorder à dire, sans prendre trop de risques, que
l’axe central de développement de la legaltech, à horizon 2024,
sera l’exploitation de la donnée et la manière de la
contextualiser, avec de nouvelles questions d’ordre déontologique
et réglementaire qui vont s’imposer aux acteurs du droit et sur
leur marché ».
Miren LARTIGUE
1 Voir
notre article « Avenir
de la profession d’avocat : les propositions de la mission
Perben »
Miren Lartigue, DSI
7. 09. 20 – 20.334 A