Gazettescope

Travailler autrement...

«Quête de sens, dans quel sens, à contre-sens ?» Ces quelques mots auraient sans doute inspiré le génialissime maître du calembour et de la contrepèterie que fut l’humoriste Raymond Devos. À l’heure où le travail, dans son concept, sa vision, sa place dans notre corpus sociétal, vit de profondes mutations, on peut s’interroger et se projeter : comment travaillerons-nous autrement dans quelques années ? Evolution ou révolution ? Éléments de réponse.

Quelle place demain pour l'humain dans le monde du travail à l'heure de l'intelligence artificielle ?
Quelle place demain pour l'humain dans le monde du travail à l'heure de l'intelligence artificielle ?

Avez-vous ce sentiment perfectible ? Cette impression visible dans votre sphère professionnelle ou celle de vos relations proches ? Depuis en fait l’apparition de la pandémie de Covid-19 - trois ans déjà - et sa succession d’adaptabilités, des confinements à la vaccination, en passant par les attestations pour se déplacer ou le port du masque aux fermetures administratives de tout un pan de notre économie, laquelle a alors vécu au rythme du chômage partiel et sous perfusion étatique, via le «quoi qu’il en coûte». Il y a eu ce mot peu glamour, brandi soudainement comme l’alpha et l’oméga du nouveau mantra managérial : le télétravail. Et son corollaire de visioconférences, de journées passées à la maison mais tout de même au bureau, en somme, une 4e Dimension du monde du travail. Chacun ou presque a testé ce télétravail. Effet séduisant pour les uns, repoussoir pour les autres. Depuis, nous avons la perception de vivre dans une société où les gens ne voudraient plus aucune contrainte en entreprise, accélérant la «consommation» de leur CDI, ne souhaitant plus se déplacer pour aller travailler - ce qui peut s’expliquer en partie par l'explosion des prix des carburants -. La tendance actuelle, grandissante, observée par les recruteurs, est que nombre de collaborateurs ne veulent plus travailler cinq jours sur sept. Ressurgissent dans les débats, la semaine de 4 jours et la réduction du temps de travail. Une "société du temps" libre, voire "de la paresse", c’est bien joli, mais, dans tout cela, comment le concilier avec la réalité d’une entreprise qui a besoin de gens qui assument le flux de travail qu’il y a à faire ? On plaint ici les dirigeants, les cadres, les managers qui doivent composer avec ces évolutions sociétales et faire des circonvolutions entre les attentes et aspirations des uns et les emplois du temps des autres.

Quelle place pour l'humain ?

Quel est le devenir du travail au XXIe siècle ? Le chercheur britannique, Daniel Susskind, s’est penché sur la question dans son dernier ouvrage Un monde sans travail aux Editions Flammarion. Avec ce postulat de base pour sa réflexion : les avancées technologiques vont nous rendre plus riches que jamais, mais elles vont de plus en plus empiéter sur le travail tel que nous le connaissons. Les progrès de l’intelligence artificielle transforment des secteurs entiers : des diagnostics médicaux à la résolution de conflits juridiques en passant par la rédaction d’articles ou de rapports d'activités, ou le calcul d'indemnités à verser dans l’assurance. Les technologies sont capables de se substituer aux humains. Il reste une évidence : le travail ne va pas disparaître. Mais il risque de se raréfier, phénomène amplifié par l'influence des GAFAM. Pointe la menace du chômage technologique et des inégalités qu’il risque d’engendrer. On le mesure déjà avec la fracture numérique. Quel sera demain notre rapport face au travail rémunéré ? Le salariat est-il appelé à être réduit à portion congrue ? Nous n’en sommes pas là. Mais, ce n’est pas tout à fait de la science-fiction. Entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, l’automobile et le tracteur avaient mis de côté les chevaux et leur force de traction. Une nouvelle technologie, le moteur à combustion, avait réussi à remplacer un animal qui, durant des millénaires, avait joué un rôle pivot dans notre vie économique. Au fil des décennies, le progrès industriel a provoqué les mutations des emplois : quand certains tiraient leur révérence, d’autres, novateurs, étaient créés. À l’heure où l’humain donne corps à des machines de plus en plus puissantes, où des solutions technologiques se dotent de capacités relationnelles et d’une aptitude à détecter les émotions humaines, le travail entre dans le monde d’après… Son sens rejoint celui de la vie. Une profonde introspection collective et individuelle est en marche...