Territoires

Les «pôles territoriaux de coopération économique» sont officiellement nés, avec le premier appel à projets qui en a sélectionné 23.

Les pôles territoriaux de coopération économique s’affichent comme un lien entre l’économie sociale et l’économie dite classique.
Les pôles territoriaux de coopération économique s’affichent comme un lien entre l’économie sociale et l’économie dite classique.

Des pionniers d’une économie collaborative reconnus par l’État

Trois ministres étaient présents. Le 10 janvier dernier, Cécile Duflot, ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Benoît Hamon, ministre de l’Économie sociale et solidaire et de la Consommation et François Lamy, ministre délégué, chargé de la Ville ont assisté à la nomination des 23 projets de PTCE, pôles territoriaux de coopération économique, sélectionnés suite à un appel à projets lancé en juillet dernier. Au total, 180 dossiers avaient candidaté. Concrètement, les PTCE sont des projets qui regroupent, sur un même territoire, des entreprises de l’économie sociale et solidaire et d’autres de l’économie dite classique, mais également, dans certains cas, des collectivités locales ou encore des organismes de formation, des associations. L’objectif : mettre en oeuvre une stratégie commune, mutualiser des moyens, dans le cadre de projets durables, qui s’inscrivent fortement dans le territoire en termes d’activité et d’emploi, et qui présentent une innovation sociale, ou, tout au moins, une utilité sociale. Sur le plan législatif, les pôles territoriaux de coopération économique sont reconnus et définis par l’article 5 de la loi sur l’économie sociale et solidaire. Et ce premier appel à projets constitue une expérimentation sur les modalités de l’intervention de l’État. Ce premier épisode ne sera pas le dernier, «cela n’épuise pas le projet», promet Benoît Hamon. D’après le ministre, les lauréats recevront les premières tranches de financement avant la fin du mois de mars. Au total, le budget de l’opération s’élève à 3 millions d’euros, soit une moyenne de 135 000 euros par projet. Dans leur contenu, les projets présentent des orientations diverses. «Beaucoup de projets sont directement positionnés sur des filières environnementales », constate Cécile Duflot. De fait, plusieurs se focalisent sur la mise en place de circuits courts alimentaires, le développement d’énergies renouvelables, ou encore l’agriculture biologique. D’autres concernent des services à la personne, comme des crèches ou des épiceries locales. L’insertion par l’activité économique, les activités culturelles sont également investies par les PTCE. Par ailleurs, dans l’appel à projets, «nous avons voulu soutenir le pôle de territoires meurtris, en difficulté», ajoute la ministre. C’est le cas du pôle de Florange, Florange e2i (écologie industrielle et insertion), qui réunit Valo, entreprise d’insertion de Moselle, ThyssenKrupp Presta France, la Chambre de commerce et d’industrie du département, Pôle emploi, la communauté d’agglomération du Val de Fensch (Moselle), l’Ademe et l’Université de Lorraine.

La longue genèse d’un PTCE

Les pôles territoriaux de coopération économique s’affichent comme un lien entre l’économie sociale et l’économie dite classique.

Les pôles territoriaux de coopération économique s’affichent comme un lien entre l’économie sociale et l’économie dite classique.

Parmi les PTCE, certains projets sont en train d’émerger. Mais d’autres correspondent à une réalité déjà bien ancrée dans le territoire. C’est le cas du Pôle Sud Archer, dans la Drôme, constitué autour du groupe d’insertion Archer, et qui regroupe des entreprises et des acteurs publics de la région. Il existe depuis sept ans. Tout a commencé dans les années 80, racontent les auteurs de l’ouvrage «L’économie qu’on aime». À Romans sur Isère, l’industrie de la chaussure décline en raison de délocalisations massives, et le taux de chômage atteint les 25 %. Le groupe Archer se crée avec l’ambition d’aider à insérer les chômeurs, puis son action évolue vers la création d’activités créatrices d’emplois, sur fond de coopération entre les acteurs locaux, publics et privés. Christophe Chevalier, gérant du groupe Archer, évoque une «entreprise de développement du territoire. (…) une entreprise qui pense le développement économique à la fois pour elle-même et pour le territoire sur lequel elle est implantée (…) L’excellence se trouve non pas dans un secteur d’activité spécifique, mais plutôt dans la manière d’entreprendre ensemble ». C’est cette même logique qui conduit Christophe Chevalier à initier une coopérative qui met en réseau les artisans locaux, et à réunir au sein du collectif «Pôle Sud» des entrepreneurs, des associations, et des services publics. Pour Christophe Chevalier, la démarche de PTCE va dans le bon sens, et il déclare, dans le journal La Croix du 10 janvier, qu’«il est important de faire exister des pôles qui mêlent économie classique et économie sociale et solidaire, (…). Car les valeurs portées par l’économie sociale et solidaire sont souvent des promesses et ne se transforment pas toujours en résultat. Ces pôles vont obliger les acteurs, nous entraîner à faire mieux. Rentrer dans cette démarche est donc aussi une prise de risque».