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MaPrimeRénov’ 2024 : Émilien Gangemi, président de la CAPEB Moselle, monte au créneau contre l’éco-délinquance

Face à la recrudescence des fraudes à la rénovation énergétique constatée sur notre département, la CAPEB Moselle a adressé un courrier au préfet afin de lui faire part des inquiétudes des entreprises du bâtiment. Le dispositif d'aide MaPrimeRénov' va être modifié pour 2024 afin d'inciter les particuliers à réaliser des rénovations dites «globales». Au vu des dérives actuelles, la CAPEB Moselle craint que la réforme décuple les fraudes et exclut de ce fait les entreprises locales de ces marchés liés à la rénovation énergétique.

Émilien Gangemi, président de la CAPEB Moselle, demande une plus grande protection des artisans locaux face à une concurrence débridée.
Émilien Gangemi, président de la CAPEB Moselle, demande une plus grande protection des artisans locaux face à une concurrence débridée.

Avec son millier d’adhérents sur le département, la CAPEB Moselle est en première ligne de la réforme modifiant le dispositif d’aide MaPrimeRénov’. En ce sens, le président de l’organisation représentant les artisans locaux du bâtiment, Émilien Gangemi monte au créneau et vient d’adresser au préfet de la Moselle, Laurent Touvet, un courrier explicite. Il dresse, dans un premier temps, un état des lieux : «Si nous ne pouvons que saluer l’augmentation des crédits alloués à la rénovation énergétique pour l’année 2024, nous sommes très inquiets de la refonte du dispositif d’aide lié à ces travaux. En effet, nous constatons déjà sur le terrain de nombreuses dérives et fraudes d’entreprises réalisant des travaux de rénovation globale, et nous craignons que les nouvelles règles 2024 viennent accroître celles-ci.»

«Exclusion des entreprises locales des marchés»

Émilien Gangemi entre ensuite dans le vif du sujet, en pointant du doigt pléthore de dérives : «L’incitation de l’État pour massifier la rénovation globale est certes louable, mais sur le terrain, elle aboutit à l’exclusion de nos entreprises locales de ces marchés, notamment pour les raisons suivantes. Des sociétés, souvent immatriculées en région parisienne, proposent des offres de rénovation globale avec un reste à charge de 1 € ou extrêmement faible. Pour obtenir de tels niveaux d’aides, ces sociétés malfaisantes utilisent de nombreux stratagèmes : les auditeurs énergétiques réalisant les audits suite aux travaux des entreprises précitées ont très souvent des liens capitalistiques avec ces dernières. Nous avons désormais l’assurance de la part de certains contrôleurs COFRAC que ces audits sont toujours frauduleux (augmentation des surfaces habitables à chauffer et à isoler, fraude sur le système de chauffage à remplacer…) pour dégrader l’étiquette énergétique initiale du bâtiment et ainsi améliorer grandement le gain énergétique apporté par les travaux. De nombreux devis sont antidatés avant le 1er août 2023 pour permettre des montants d’aides supérieurs. Des fraudes sur le type de matériaux ou de matériels installés (fraude sur l’épaisseur de l’isolant, installation de PAC sous-dimensionnées, installations de climatisation en lieu et place de PAC air/eau…) sont fréquentes. La majorité des travaux sont réalisés en sous-traitance par des «entreprises» non RGE, avec du personnel non qualifié, ce qui conduit à des travaux de piètre qualité qui n’auront que peu d’effet en matière d’économie d’énergie.»

«Le dispositif de financement des travaux doit être revu»

Le président de la CAPEB Moselle poursuit son propos relativement à MaPrimeRénov' 2024 : «Les artisans de la CAPEB nous apportent quotidiennement des témoignages et des devis attestant de cette situation. Bien que le gouvernement ait récemment annoncé un renforcement des contrôles des travaux financés par les CEE pour lutter contre l’éco-délinquance, nous doutons que cela suffise à endiguer les pratiques de ces entreprises. C’est le dispositif même du financement de ces travaux qui doit être revu, notamment l’identité des obligés et des délégataires qui permettent à ces sociétés de sévir en proposant de tels financements avec si peu de vérifications avant et après les travaux. Concernant la réforme de MaPrimeRénov’ pour 2024, nous déplorons d’une part, que pour le pilier «Efficacité», les ménages «aisés» en soient exclus. D’autre part, nous avons du mal à comprendre le préalable obligatoire de l’installation d’un chauffage décarboné. En effet, cette obligation est un non-sens énergétique. Quel est l’intérêt d’installer un nouveau mode de chauffage dans un logement non isolé ? Ce préalable exclut également des nombreux professionnels RGE dont l’activité est l’isolation des murs, des combles, des huisseries extérieures ou de la ventilation. S’agissant du pilier «Performance», nous nous permettons de porter à votre attention nos craintes concernant l’instruction par l’Anah des dossiers d’aides à la rénovation dans la mesure où de nombreux sont des clients et artisans ayant connu des déboires tant dans les délais du traitement que dans les délais de paiement des dossiers.»

«Pratiques au détriment des artisans et des clients»

Émilien Gangemi plaide pour une plus grande transparence, en concluant : «Par ailleurs, l’efficacité des préconisations de travaux et de l’instruction des dossiers administratifs dépendra essentiellement de «Mon Accompagnateur Rénov’» qui doit être agrée par l’Anah territoriale. C’est pourquoi, nous insistons pour que l’Anah reçoive des instructions claires pour que son choix se porte sur des structures reconnues localement et qui ne pourront souffrir d’un quelconque lien juridique, familial ou financier avec les entreprises réalisant les travaux pour garantir l’indépendance du conseil. Enfin, et c’est sans nul doute le plus important, l’État doit garantir un accès direct au marché de la rénovation énergétique financé par le pilier «performance» aux entreprises locales et artisanales reconnues RGE. En d’autres termes, cela signifie, d’une part, que les aides (MPR + CEE) ne doivent pas être conditionnées au fait que les travaux soient réalisés par une entreprise générale qui sous-traiterait ensuite la réalisation effective des travaux, et d’autre part, que la possibilité de recourir à un mandataire financier soit supprimée dans le parcours accompagné du pilier performance. À la CAPEB Moselle, nous accompagnons plusieurs centaines d’entreprises RGE qui ont investi pour se former et se qualifier sur le marché de la rénovation énergétique. Aussi, vous comprendrez que nous refusons de voir ce marché confisqué par des sociétés malhonnêtes ou des dispositifs qui par leur complexité empêcheront les artisans d’y accéder. En outre, les pratiques dénoncées se font au détriment des clients qui se retrouvent en présence de travaux de mauvaise qualité, qui perdent des aides (car déjà utilisées) et qui se voient opposer des refus d’intervention d’entreprises locales pour l’entretien ou la reprise des travaux réalisés dans la mesure où le support n’est pas acceptable.»

«Si nous ne pouvons que saluer l'augmentation des crédits alloués à la rénovation énergétique pour l'année 2024, nous sommes très inquiets de la refonte du dispositif d'aide lié à ces travaux», assure Émilien Gangemi, président de la CAPEB Moselle.