Territoires

Loi «plein emploi», «France Travail» : vers quelle direction ?

Le projet de loi «pour le plein emploi» a été présenté en Conseil des ministres. Il suivra ensuite le cheminement parlementaire. Pour l’heure, il est encore à l’état gazeux et comporte beaucoup d’incertitudes et de flou. Quelles changements à terme pour les acteurs professionnels de l’insertion en Moselle ? Pour les quelque 75 000 demandeurs d’emploi et les 25 000 bénéficiaires du RSA dans le département ? On a essayé d’y voir plus clair. Sur un sujet aussi central, il serait bien d'avoir un débat constructif et pragmatique... Enfin...

Le 1er janvier 2024, France Travail devrait succéder à Pôle emploi.
Le 1er janvier 2024, France Travail devrait succéder à Pôle emploi.

Deux axes majeurs composent le projet de loi «pour le plein emploi» du gouvernement : la transformation de Pôle emploi en France Travail et la refonte de l’accompagnement vers l’emploi. Plusieurs mesures pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées et améliorer l’accueil des jeunes enfants font aussi partie du dispositif. Lors de la première semaine de juillet, le projet de loi sera débattu au Sénat, avant de poursuivre son chemin à l’Assemblée nationale. La Moselle, en avril dernier, comptait 76 400 demandeurs d’emploi inscrits auprès de Pôle emploi, tenues d'accomplir des recherches actives d'emploi (catégories A,B et C), dont 43 710 en catégorie A (devant accomplir des démarches régulières de recherche d'emploi pour lesquelles le demandeur d'emploi doit être en mesure de produire un justificatif (candidatures envoyées, participation à des sessions d'aide à la recherche d'un emploi...), à la recherche d'un emploi quel que soit le type de contrat, CDI, CDD, temps plein, temps partiel, temporaire ou saisonnier. Le département recensait, toujours en avril, par ailleurs, 10 090 bénéficiaires du RSA inscrits auprès de Pôle emploi (sur les quelque 25 000 au total en Moselle). Ils sont directement concernés par la réforme à venir. France Travail, qui va succéder à Pôle emploi, a pour objectif de réorganiser les services de l’emploi et de l’insertion. Avec, pour corollaire, d’inscrire automatiquement les bénéficiaires du RSA auprès de France Travail.

Renforcer les synergies territoriales

Un «réseau France Travail» visera à rapprocher les acteurs de l’emploi, de l’insertion et de la formation. Outre France Travail, qui en sera l’opérateur, il réunira État, missions locales - pour l’accompagnement des jeunes -, Cap emploi - accompagnement des personnes handicapées - , les collectivités territoriales et les organismes et associations d’insertion. On sait ce maillage et cette complémentarité de compétences particulièrement efficiente en Moselle, où elle se pratique déjà... Ces acteurs auront pour rôle de mettre en œuvre «un socle commun» de procédures pour mieux coordonner leurs interventions et partager leurs données. Chaque personne inscrite à France Travail devra désormais signer un «contrat d'engagement». Ce contrat «personnalisé» en fonction des besoins du chercheur d'emploi, comportera un «plan d'action» qui devra définir les objectifs et «l'intensité» de l'accompagnement. C'est dans le cadre de ce «contrat d'engagement» que pourront être mis en œuvre les 15 à 20 d'heures hebdomadaires d'activité. Mais ces heures ne sont pas formellement mentionnées dans le projet de loi: elles pourront être demandées si cela est «pertinent» pour la personne concernée. Le régime des sanctions est également rénové par le projet de loi, afin de rendre ces sanctions «plus progressives» et «plus justes». Le versement du RSA pourra désormais être temporairement suspendu en cas de manquement du chercheur d'emploi. Concrètement, s'il ne respecte pas les objectifs fixés par son «contrat d'engagement», le RSA ne lui sera plus versé. L'argent ne sera néanmoins pas perdu : dès lors qu'il respectera à nouveau ses engagements, le montant bloqué du RSA lui sera versé rétroactivement.

Placer l'entreprise au cœur de la réforme

Le projet de loi veut améliorer l'insertion professionnelle dans le milieu ordinaire des personnes handicapées. La reconnaissance du statut de travailleur handicapé (RQTH) sera désormais automatiquement transmise à France Travail. Un projet professionnel sera déterminé avec les conseillers de France Travail, afin d'orienter le chercheur d'emploi bénéficiant d'une RQTH vers une entreprise ordinaire, si possible, ou une entreprise adaptée. Par ailleurs, le texte compte également aligner les droits des travailleurs des Esat (établissement et service d'aide par le travail) sur ceux des salariés ordinaires. Enfin, l'accueil de la petite enfance a aussi trouvé sa place dans le projet de loi. Pour limiter ce frein à la recherche d'emploi, le gouvernement veut créer 100 000 places d'accueil supplémentaires pour les jeunes enfants dès 2027 pour atteindre à 200 000 places supplémentaires d'ici 2030. Par ailleurs, les communes de plus de 3 500 habitants vont devenir les «autorités organisatrices» de l'accueil de la petite enfance. Elles devront notamment recenser les besoins. Un guichet d'information sera également mis en place dans les villes de plus de 10 000 habitants. Sur un sujet aussi majeur que celui de l’insertion, aux multiples entrées, qui mérite autre chose que les effets d’annonce et des dogmatismes, notre corpus commun peut-il avoir un débat posé et pragmatique ? On ose l’espérer… Ce n’est pas gagné quand on voit le catastrophique épisode de la réforme des retraites… Dans cette ambition légitime de vouloir faciliter le plein emploi, il est deux facteurs à ne pas oublier : s’insérer professionnellement n’est pas chose aisée et ne coule pas toujours de source, c'est affaire d'individualisation de trajectoires de femmes et d'hommes à approcher ou à raccrocher au wagon de l'emploi. Une considération avant tout humaine qu'il ne faut pas omettre, plus que de chiffrages et mesures comptables. Il apparaît essentiel de laisser le cœur et le levier de l’action aux acteurs du terrain, ceux qui connaissent au mieux les spécificités des territoires et des caractères qui les composent. Le second, majeur, est relatif à l’entreprise : il ne saurait être autrement que de faire de celle-ci un pilier de la future réforme. Dans l’espace mosellan, TPE, PME, fédérations, réseaux, groupements, chambres consulaires… ont leur mot à dire, de probantes méthodologies et réussites à faire valoir. Car, jusqu’à preuve du contraire, celui qui embauche, c’est le chef d’entreprise...