Conjoncture

Les ETI mosellanes impactées par un faisceau de difficultés

Les entreprises de taille intermédiaire se situent actuellement dans un contexte conjoncturel dégradé. C'est l'une des observations majeures du dernier Baromètre Palatine-METI. Les ETI mosellanes, comme leurs homologues hexagonales, doivent faire preuve de résilience et d'adaptabilité, sans omettre les aspects innovation et investissement. Une équation peu aisée à résoudre. 

Les ETI pèsent 25 % de l'emploi salarié en France, principalement dans les secteurs de l'industrie, du transport, et du commerce.
Les ETI pèsent 25 % de l'emploi salarié en France, principalement dans les secteurs de l'industrie, du transport, et du commerce.

Une entreprise de taille intermédiaire emploie entre 250 et 4 999 salariés, et génère soit un chiffre d'affaires égal ou inférieur à 1,5 milliard d'euros soit un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d'euros. Née en août 2008 avec loi de modernisation de l'économie, cette catégorie d’entreprises constitue un statut intermédiaire entre les petites et moyennes entreprises (PME) et les grandes entreprises. Une entreprise qui a moins de 250 salariés, mais plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires et plus de 43 millions d'euros de total de bilan est aussi considérée comme une ETI. Annoncée par le président de la République en janvier 2020, la stratégie Nation ETI vise à mieux faire connaître le rôle structurant et la contribution des ETI à l’économie française, soutenir leur développement et renforcer la prise en compte de leurs enjeux et de leurs spécificités dans la conception de la politique économique. Elle s’articule autour de quatre axes : faire connaître les ETI, développer une «culture ETI» au sein de l’administration, accompagner les dirigeants dans la croissance, renforcer l’attractivité et l’accès des ETI aux compétences, renforcer les capacités d’investissement des ETI, faciliter la transmission des ETI. Les ETI constituent une catégorie d'entreprises intermédiaire entre les petites et moyennes entreprises (PME) et les grandes entreprises.

Carnets de commandes moins remplis

Dans la région Grand Est, on compte 380 ETI qui génèrent un CA global de 65 Mds€ (168 M€ en moyenne) et emploient quelque 200 000 salariés (560 en moyenne). En septembre dernier, le 10e Baromètre Palatine-METI du financement des ETI mettait en lumière une tendance à la baisse liée à l’accumulation de difficultés, même si elles étaient résilientes et préservaient leur dynamique d’investissement. Ce qui avait été observé il y a quelques mois se confirme avec le 11e Baromètre, réalisé du 30 novembre au 10 décembre, auprès de 1 200 ETI. Il confirme l’impact de la dégradation conjoncturelle au cours du dernier trimestre 2023. Leur situation financière tend toutefois à se stabiliser, malgré la hausse des taux d’intérêt qui entraîne des révisions à la baisse de certains projets d’investissement, . Les projets de croissance résistent mais les enveloppes allouées se réduisent significativement. Dans ce contexte, il est crucial de confirmer et poursuivre les mesures de redressement compétitif, notamment pour que les ETI puissent dégager les capacités d’investissement nécessaires à leur transformation. Elles sont à présent plus d’une sur trois à faire état d’un chiffre d’affaires en dégradation par rapport à 2022 (contre une sur cinq en septembre) tandis que moins d’une sur deux table sur un chiffre d’affaires en amélioration (62 % en septembre). Cette tendance s’observe également pour les chiffres d’affaires annuels : trois ETI sur dix attendent une évolution à la baisse pour 2023, une sur quatre pour 2024. Plus de la moitié des ETI estiment que la situation de leur secteur d’activité s’est dégradée sur un an. Les carnets de commande s’en ressentent : ils sont moins remplis qu’un an plus tôt pour près une ETI sur deux.

Situation financière stabilisée

Après une dégradation nette au trimestre précédent, la situation financière des ETI semble se stabiliser. 31 % font part d’une situation de trésorerie en dégradation par rapport à fin 2022 (vs. 33 % en septembre) ; 22 % d’un endettement net total en dégradation sur un an (contre 27 %). Elles sont moins de 10 % à rencontrer des difficultés compromettant le respect de leurs covenants bancaires (contre 14,5 %). Trois ETI sur quatre n’ont pas de besoins de crédit court terme complémentaires et près de 87 % obtiennent de leurs partenaires bancaires une réponse favorable à leurs demandes de financement (contre 80 %). La hausse des taux d’intérêt s’avère en revanche de plus en plus problématique : elle a contraint plus de 18 % des ETI à revoir leurs projets d’investissement à la baisse ; près d’une ETI sur trois redoute de devoir faire de même. Les difficultés qui se sont accumulées ces derniers mois continuent de peser sur l’activité des ETI : pas une seule n’est exemptée de difficultés à recruter, 98 % subissent les conséquences de la hausse de la masse salariale - sous l’effet de l’inflation principalement -, 95 % sont pénalisées par les prix de l’énergie et 82 % par ceux des matières premières et autres intrants. Toutefois, ces difficultés ne se sont pas sensiblement accrues par rapport au trimestre précédent, à l’exception de la hausse de la masse salariale. La hausse globale des coûts de production a toujours un impact marqué : sur l’activité de plus de trois ETI sur quatre ; sur la rentabilité de plus de neuf ETI sur dix et sur les projets d’investissement de deux ETI sur trois. Sur les douze derniers mois, cette hausse s’avère supérieure à 10 % pour 1/4 des ETI.

Moins envie d'Europe

Près des 3/4 des ETI auront initié un ou plusieurs projets de croissance organique en 2023, témoignant d’une accélération en cette fin d’année (elles n’étaient que 2/3 en septembre). En revanche, elles ne sont plus que 37 % à y consacrer au moins 5 M€ (contre 48 %) et 35 % à y associer au moins 50 créations d’emplois (contre 53 %). Près d’une ETI sur deux aura également engagé un ou plusieurs projets de croissance externe cette année. Là encore, le montant et le nombre d’emplois associés sont à la baisse par rapport à septembre : une ETI sur quatre y aura consacré au moins 10 M€ (contre 54 %) et généré au moins 50 emplois dans ce cadre (contre 38 %). Ces projets concernent toujours la France dans leur immense majorité. L’appétence pour l’Europe semble pour sa part reculer. Enfin, l’intérêt des investisseurs pour les ETI ne cesse de croître : 57 % ont été approchées pour un rachat ou une entrée au capital depuis le début de l’année (contre 49 % en septembre). En Moselle, comme partout en France, une entreprise de taille intermédiaire sur deux aura changé de dirigeant dans les dix prochaines années. Une vague de transmission qui doit permettre à une nouvelle génération d’assurer la relève et de faire face aux défis de la transition énergétique, de la souveraineté ou encore de la réindustrialisation. Un défi autant humain que socio-économique. L’écosystème ETI mosellan représente 22 % de l’emploi dans le département. Des entreprises particulièrement présentes dans les secteurs de l’industrie, du transport et du commerce. Plus de la moitié des emplois salariés des ETI implantées en Moselle sont des emplois industriels. On comprend aisément l'enjeu actuel qui est aussi celui de demain.

«En 2023, les Entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises se distinguent dans un contexte économique complexe, caractérisé par une inflation persistante et des tensions énergétiques et géopolitiques. Des indicateurs probants illustrent la force de résistance des ETI, piliers de l’économie : 70 % d'entre elles s’attendent à une croissance de leur chiffre d'affaires, générant une dynamique positive en termes d'emplois et de projets de croissance externe et organique. Cette performance suscite un intérêt accru des investisseurs, attirés par la stabilité et la capacité d’adaptation des ETI françaises. Néanmoins, ces succès ne masquent pas les défis structurels persistants. Les ETI doivent désormais canaliser leurs efforts vers une organisation plus efficiente, en particulier dans les domaines de l'emploi, des recrutements, et des transitions écologique, énergétique et numérique. Ces optimisations apparaissent incontournables pour pérenniser ces performances encourageantes dans un contexte économique mondial en perpétuelle évolution», analyse Patrick Ibry, directeur général délégué, Banque Palatine.

«La fin d’année confirme hélas la dégradation observée en septembre : la contraction économique qui se manifeste à l’échelle mondiale affecte sérieusement l’activité des ETI et compromet leurs capacités d’investissement même si le nombre de projets se maintient. C’est particulièrement préoccupant alors qu’elles font face à un véritable mur d’investissement pour mener à bien les grandes transformations dont notre économie a un besoin urgent. Toutefois, les ETI sont réputées pour leur solidité financière et tendent à confirmer ce trait dans ce baromètre : alors que leur situation financière s’était dégradée en septembre, elle semble aujourd’hui se stabiliser. Les cas critiques restent rares et se concentrent dans certains secteurs. La conjoncture reflétée par ce Baromètre n’en reste pas moins source de vives inquiétudes. Difficultés de recrutement, hausse des coûts de production, baisse des volumes d’investissement comme des créations d’emplois, perspectives en berne : c’est le rôle moteur des ETI à l’échelle du territoire national qui est menacé si le nœud de contraintes ne se desserre pas dans les prochains mois. Dans ce contexte, il est crucial de poursuivre les mesures de redressement compétitif et de ne surtout pas alourdir le fardeau pesant sur les entreprises», observe Frédéric Coirier, PDG du groupe Poujoulat et co-président du METI.