Le tout-TGV est-il condamné ?

Budgets en berne, priorité officiellement accordée aux trains du quotidien, mais aussi développement des smartphones qui permettent l’ubiquité des cadres supérieurs : le tout-TGV est désormais remis en cause.

La valeur des trajets à grande vitesse ne représentait plus pour la SNCF que 3 mds € en 2013, contre 4,5 mds € en 2010.
La valeur des trajets à grande vitesse ne représentait plus pour la SNCF que 3 mds € en 2013, contre 4,5 mds € en 2010.
La valeur des trajets à grande vitesse ne représentait plus pour la SNCF que 3 mds € en 2013, contre 4,5 mds € en 2010.

La valeur des trajets à grande vitesse ne représentait plus pour la SNCF que 3 mds € en 2013, contre 4,5 mds € en 2010.

Carrosserie chiffonnée, vitres brisées, essieu sorti des rails… Les images de la collision du 17 juillet entre un TER et un TGV, près de Pau, symbolisent la fin d’une époque. Pendant 30 ans, la France a misé sur la grande vitesse. Des lignes ont été tirées aux quatre coins du pays, des gares ressemblant à des navettes spatiales construites au milieu des champs. Des rames neuves ont été conçues et peintes aux couleurs à la mode, puis remplacées bientôt par d’autres plus vastes, plus hautes, plus confortables. Les billets se sont vendus plus cher. Le déplacement en train s’est mis à ressembler à un voyage en avion. Il fallait réserver sa place, on ne prenait plus l’express pour Bordeaux, mais le TGV pour une «destination». Et puis, assuraient les ministres des Transports successifs, dans de grands discours auxquels acquiesçaient les dirigeants de la SNCF, les TGV s’exportaient, contribuaient à la renommée du pays et rapportaient beaucoup d’argent. Mais depuis quelques années, les revenus du TGV ne sont plus aussi importants qu’autrefois. Dans les comptes de la SNCF, la valeur des trajets à grande vitesse ne représentait plus que 3 mds € en 2013, contre 4,5 mds en 2010. La fréquentation recule. Les plus jeunes et les moins fortunés se tournent vers le covoiturage, une formule qui fait la gloire de la jeune société Blablacar. Malgré le lancement, en 2013, de Ouigo, un TGV «low-cost» destiné aux familles motorisées, cellesci préfèrent toujours la voiture.

L’essor des transports ferrés locaux
Dans le même temps, les transports ferrés locaux ont connu une révolution. De plus en plus de salariés prennent chaque jour le train pour se rendre à leur travail, et plus seulement en Île-de-France. Certaines lignes sont bondées matin et soir. C’est en Îlede- France que la situation est la plus pénible. Les retards des RER et des Transiliens se révèlent imprévisibles. Les passagers connaissent par coeur le jargon ferroviaire : panne de signalisation, colis suspect, accident grave de voyageur…

La révélation de Brétigny
Alors que les restrictions pèsent sur tous les budgets, l’utilité de nouvelles lignes de TGV permettant à des gens d’affaire de gagner 10 min sur leur emploi du temps est posée. Ne vaudrait-il pas mieux assurer la maintenance des trains de banlieue ? L’accident qui a provoqué la mort de 7 personnes à Brétigny-sur-Orge (Essonne), le 12 juillet 2013, est venu poser au grand jour toutes ces questions. Le train a déraillé suite à la défaillance d’une éclisse. L’enquête menée les mois suivants révèle l’état de délabrement de l’infrastructure ferroviaire. Le tout-TGV est officiellement remis en cause. Quelques semaines plus tôt, un rapport parlementaire du député Philippe Duron (PS, Calvados), avait d’ailleurs dessiné les grandes lignes d’une politique des transports. Le document devait surtout trancher entre les promesses de lignes à grande vitesse : Paris-Le Havre, Orléans-Lyon via Limoges ou Marseille-Nice ? Allant au-delà, le député avait certes affirmé que «la grande vitesse ferroviaire prend tout son sens sur les distances entre 400 et 1000 km», entre 2 métropoles régionales notamment. Mais «pour les villes et agglomérations de moindre taille, d’autres services peuvent s’envisager autour des 200 à 220 km/h». Des trains pendulaires comme en Alsace, voire des autocars, susceptibles d’optimiser à moindre coût les voies routières, pourraient être mis en service.

Qui a besoin de la vitesse ?
À ces éléments s’ajoute une autre évolution majeure. Les smartphones connectés, branchés en permanence sur Internet, permettent à chacun de travailler en permanence et à distance. De nos jours, lorsque le personnel de bord annonce un retard exceptionnel, la plupart des voyageurs ne bronchent pas. Ils font savoir à leurs interlocuteurs, en quelques mouvements de doigts, que le déjeuner, la réunion ou la présentation sera décalée. Et ils se replongent dans leur écran, heureux de disposer de temps supplémentaire. Aujourd’hui, les gens d’affaires sont beaucoup plus joignables qu’il y a trente ans. Passer une nuit dans une ville éloignée n’est plus vraiment un handicap professionnel. Connecté dans le train, à l’hôtel, en réunion, le cadre hyperactif n’a plus besoin de la grande vitesse. À la différence de l’employé, à l’arrêt dans un TER Bourgogne ou Picardie, qui doit pointer en arrivant au bureau.