Le développement durable est-il rentable ?

Si la société et l’économie peinent à muer vers un modèle plus durable, estce par manque de motivation des consommateurs ou parce que l’offre de produits et services est inexistante ? Débat, en avantpremière du 6e World Forum Lille.

Le 6e World Forum se tiendra à Lille mi-novembre. Cette rencontre sur l’économie responsable s’intéressera notamment à la réelle notion de développement durable dans les produits de consommation.
Le 6e World Forum se tiendra à Lille mi-novembre. Cette rencontre sur l’économie responsable s’intéressera notamment à la réelle notion de développement durable dans les produits de consommation.
Le 6e World Forum se tiendra à Lille mi-novembre. Cette rencontre sur l’économie responsable s’intéressera notamment à la réelle notion de développement durable dans les produits de consommation.

Le 6e World Forum se tiendra à Lille mi-novembre. Cette rencontre sur l’économie responsable s’intéressera notamment à la réelle notion de développement durable dans les produits de consommation.

Est-ce la faute aux producteurs, ou aux consommateurs, si la consommation dite durable demeure marginale dans la société ? Dans les sondages, «il y a vingt ans, 20% des gens étaient intéressés par les sujets de la consommation responsable. Aujourd’hui, c’est l’inverse», énonce Elisabeth Laville, experte en responsabilité sociétale des entreprises, créatrice du cabinet de conseil Utopies. C’était lors de la conférence de presse de lancement de la 6e édition du World Forum Lille, le 5 septembre, à Paris. Cette rencontre, dédiée à l’économie responsable et organisée par le réseau Alliances, se tiendra du 14 au 16 novembre, à Lille. Pour Elisabeth Laville, cette très grande majorité de consommateurs qui déclarent s’intéresser au développement durable recouvre des réalités très différentes. Certains y trouvent un attrait par principe, d’autres lorsqu’ils y voient un avantage pour leur propre santé, par exemple dans l’utilisation de produits naturels dans la lessive, d’autres si cela correspond à une mode, d’autres encore, uniquement si cela n’a pas de répercussions sur les prix…

A la recherche de la rose équitable

En tout cas, force est de constater que ces déclarations d’intention sont loin de se concrétiser de façon large dans les pratiques de consommation. «Pourquoi ?», s’interroge Elisabeth Laville. D’après elle, la raison est plutôt à chercher du côté «du manque d’information, qui s’ajoute à un manque d’offre, et pas nécessairement d’un manque de motivation». Illustration, avec un client à qui il viendrait l’idée d’acheter une rose responsable. «On ne sait pas toujours quels sont les enjeux environnementaux d’un produit. Ici, on ne sait pas que la rose vient d’Afrique du Sud en avion», explique notamment Elisabeth Laville, avant de détailler la suite de l’épopée de l’achat de la rose responsable : la provenance des fleurs n’est pas affichée dans les magasins. Le plus souvent, le vendeur n’est pas au courant… Bref, pour trouver une fleur qui a poussé localement, et de saison, il faut se lever matin ! Et si le consommateur parvient à trouver cette rose rare, son prix risque d’être élevé, car elle aura probablement été produite par une petite entreprise qui ne peut pas réaliser des économies d’échelle. Pourtant, plaide Elisabeth Laville, s’engager franchement dans le développement durable peut être économiquement profitable aux entreprises. Exemple : Danone, qui a retiré les emballages cartons de ses yogourts, alors que les études de marché pronostiquaient une baisse du chiffre d’affaires, et qui a finalement vu ses ventes augmenter dans les rayons. Partant, à terme, la pression des consommateurs pourrait obliger les marques et les distributeurs à aller en ce sens, estime la spécialiste. «D’après une enquête européenne de l’an dernier, plus de trois sondés sur quatre estiment que les entreprises doivent proposer des produits responsables à la place des autres produits, et non pas en plus», argumente-t-elle.

Prime aux nouveaux entrants ?

Pour les entreprises qui partent de zéro, c’est peut-être plus simple. CityzenCar, une plateforme Internet où les particuliers peuvent louer leur propre véhicule à d’autres, s’intègre dans une «tendance de consommation collaborative», analyse Élisabeth Laville. Or, «les marques, les fabricants ne savent pas comment y aller, car ce modèle est fondé sur la nouveauté. Leur modèle économique est interrogé (…) Si on travaille uniquement sur la production et pas sur la consommation durable, cela ne suffit pas», poursuit-elle. Exemple : dans la voiture, 80% du coût écologique réside dans son utilisation. Si le constructeur ne travaille qu’à rendre moins nocive pour l’environnement la phase de production, il ne traite qu’une petite partie du problème. «Il faut travailler sur les modes de consommation. La voiture électrique va peut-être sauver PSA, mais certainement pas la planète. Il faut parler autopartage, covoiturage … en France, on est très focalisé sur l’innovation technologique, et pas assez sur l’innovation sociétale», continue l’experte. Toutefois, de grandes entreprises montrent aussi qu’il est possible de changer radicalement, estime Élisabeth Laville, citant les exemples d’éco-conception des produits chez Danone, les engagements de Nike en la matière, ou ceux de Marks and Spencer, à produire uniquement des produits durables à moyen terme. «On n’est plus sur la marge. Il faut faire un effort massif en recherche et développement et en marketing pour que cela marche», conclut Élisabeth Laville.