Territoires

La finance solidaire, levier encore trop méconnu d'inclusion et de cohésion dans l'espace mosellan

Si l'Économie Sociale et Solidaire (ESS) essaime dans les territoires mosellans, portés par l'admirable et remarquable implication de femmes et d'hommes convaincus du process d'une économie durable et à visage humain, une composante de son circuit de financement, la finance solidaire, reste souvent trop méconnue. Elle permet pourtant l'essor pour des projets ou des investissements qui ne trouveraient pas de financements dans les circuits financiers classiques, car insuffisamment rentables et de favoriser l'intérêt collectif sur le temps long. Décryptage.

La finance solidaire est une composante de la finance durable.
La finance solidaire est une composante de la finance durable.

Elle n’est pas un effet de mode ni d’aubaine. La finance solidaire est étroitement liée à l’essor de l’Économie sociale et solidaire (ESS). Quant à cette dernière, on en trouve pléthore d’exemples sur les territoires mosellans. Elle tend à développer une économie durable en valorisant l’humain dans ses potentialités. L’ESS représente, en France, environ 10 % du PIB et 14 % de l’emploi privé, avec près de 2,5 millions de salariés. Le secteur d’activité rassemble une mosaïque d’acteurs, nombreux : associations, mutuelles, fondations et coopératives. En somme, tout ce qui a trait à tisser du lien social dans nos communes, en milieu urbain, comme en ruralité. Ici, les maître-mots sont utilité sociale, coopération, développement de l’emploi.

Financer les besoins humains

Si l’ESS s’identifie auprès du grand public, véhiculée par nombre d’entités publiques et privées, la finance solidaire demeure, paradoxalement méconnue. Et pourtant, elle date des années 80. Son principe repose sur une épargne placée sur des produits financiers solidaires. Soit une épargne collectée ensuite orientée vers les porteurs de projets développant des activités à fort impact sociétal. La rentabilité financière n’est pas la priorité de l’épargnant. Le but recherché est de favoriser la réinsertion, de lutter contre le chômage, contre le mal logement. Des thématiques qui traversent les décennies. Directeur du marché des particuliers au sein du Crédit Coopératif, pour lequel il travaille depuis plus de vingt ans, Imad Tabet, aime à rappeler que la finance solidaire «est ancrée depuis bien longtemps dans nos quotidiens, que sa philosophie demeure, qu’elle s’adapte aux enjeux de notre époque.» Quand on jette un coup de rétro sur son historique, on note qu’elle fut généré par des acteurs qui souhaitaient innover pour créer des mécanisme financiers solidaires au service des publics fragiles.

Des produits de souscription variés

C’est sur cette fondation de convictions et d’idées synergiques que furent portés sur les fonts baptismaux le Crédit Coopératif et le CCFD-Terre Solidaire. Aujourd’hui, par l’épargne de partage, elle permet de reverser près de 5 M€ de dons aux associations en France. 46 % d’entre eux proviennent des produits de partage du Crédit Coopératif. En y ajoutant les 962 000 € de dons issus de sa carte bancaire solidaire, le Crédit Coopératif a versé l’an passé 3,2 M€ de dons à 42 associations et fondations partenaires. Dans le périmètre de la région Grand Est, ce sont quelque 4 500 clients qui ont contribué à hauteur de 130 000 €. Parmi elles, 400 entreprises. On s’en doute, l’espace mosellan a pris part à cet élan. Dès lors, quels produits souscrire ? Ils sont variés : comptes et livrets bancaires solidaires, placements de partage prévoyant la cession d’une partie des intérêts obtenus ou des dividendes encaissés au profit d’organismes ou d’associations (ces produits sont le plus souvent associés à des réductions d’impôts pour les épargnants), des produits d’investissement solidaire, le plus souvent des fonds de placement accessibles via plusieurs outils comme l’assurance-vie, le plan d’épargne en actions, le plan d’épargne retraite individuel et surtout via l’épargne salariale au travers des plans d’épargne entreprise ou plans d’épargne retraite collectifs.

La finance solidaire fait sens et société

Imad Tabet livre, de son expertise, une intéressante et fine analyse des évolutions de la finance solidaire : «Elle existe, on l’a vu, depuis longtemps. Elle n’a jamais autant été au cœur de l’actualité. Par sa philosophie, elle correspond aux mutations sociales actuelles, accélérées par la période de la pandémie. Pour beaucoup de gens, elle a agi comme un déclic, une quête de sens, une prise de conscience. Aucune strate n’y échappe. Surtout pas la question de l’argent. Nombre de personnes s’interrogent sur la traçabilité de leur argent confié à une banque : que fait-on de mon argent ? Quelle utilité à t-il pour la société ? C’est un changement de paradigme important. C’est cette réponse qu’apporte le Crédit Coopératif.» Aux thématiques sociales évoquées viennent s’ajouter comme des enjeux majeurs de notre temps : la condition de la femme, l’environnement, la solidarité internationale, l’inclusion. La finance solidaire fait sens et fait société. Dans notre vivre ensemble, à l’heure où tant de repères sont bousculés, elle peut être vu comme un phare, un élément de stabilité. Faire du citoyen un acteur actif et plus passif de son tapis pécuniaire : ce modèle éthique et de partage ne peut que monter en puissance. En Moselle, le volontarisme ne manque pas. Reste à lui donner les clés de ses aspirations. Cela passe d’abord par mieux connaître la finance solidaire, l’expliquer posément, la décrypter dans ses tenants et ses aboutissants. Pour en optimiser toute son essence de progrès humain. Car, au demeurant, ce fil rouge, de 1980 à 2023, n’a pas changé.

Microcrédits et prêts solidaires 
Depuis sa création en 1997, le label Finansol permet de distinguer les produits d’épargne solidaire des autres produits d’épargne auprès du grand public. Un épargnant peut également décider d’investir directement auprès d’entreprises solidaires, sous forme de don, de prêt ou de participation dans le capital de l’entreprise. Les prêts prennent la forme de microcrédits ou de prêts solidaires. Le microcrédit est un instrument d’inclusion financière. Il permet de prêter à des personnes ou des entreprises en situation de fragilité financière, ayant des difficultés d’accès au crédit bancaire classique. Le microcrédit, qu’il soit personnel ou professionnel, repose sur l’accompagnement des emprunteurs pour les aider à réaliser leurs projets. Le prêt solidaire est accessible le plus communément via une plateforme où des particuliers peuvent interagir en direct avec des acteurs ayant besoin de financement sans intermédiaire bancaire ou financier. On parle alors de crowdfunding ou de financement participatif.