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Émilien Gangemi, président de la CAPEB Moselle : «Ensemble inventons notre avenir»

Avec plus de 1 000 adhérents, la CAPEB Moselle demeure, plus que jamais, dans une période peu aisée pour l’artisanat du bâtiment, et face aux importantes et nécessaires transitions écologiques, énergétiques, numériques, générationnelles, une actrice portant un syndicalisme d’idées, accompagnant les professionnels dans un contexte complexe. Lors de la récente assemblée générale, déroulée au FC Metz, le président Émilien Gangemi a déroulé le fil de l’activité de la branche. Sans pessimisme exagéré, mais avec réalisme et sans langue de bois.


Émilien Gangemi, président de la CAPEB Moselle. Le président de la CAPEB Moselle, Émilien Gangemi, a livré les bilans 2022 et listé les prospectives à venir. © CAPEB Moselle.
Émilien Gangemi, président de la CAPEB Moselle. Le président de la CAPEB Moselle, Émilien Gangemi, a livré les bilans 2022 et listé les prospectives à venir. © CAPEB Moselle.

Plus de 400 participants. Nous serions tentés d’écrire que c’est une belle affluence dans le cadre d’une assemblée générale. Terme appropriée à celle de la CAPEB Moselle, déroulée au FC Metz. Acteurs locaux de cette branche artisanale du bâtiment, forces vives socio-économiques du territoire et élus y ont pris part. Dans son allocution le président de la CAPEB Moselle, Émilien Gangemi, introduisait, en resituant le contexte du moment : «Après les années 2020 et 2021 marquées par la crise sanitaire, nous pensions sans conteste que l’année 2022 serait moins tourmentée… Mais c’était sans compter, sur les hausses de prix, les pénuries de matériaux, les difficultés de recrutement, les lourdeurs administratives de plus en plus nombreuses, et j’en passe… Malgré tout, nous avons réussi, nous, entreprises locales du Bâtiment et des travaux publics, à conserver des carnets de commandes bien remplis et un fort niveau d’activité. Et vous savez pourquoi ? C’est avant tout en grande partie grâce à notre attachement à notre savoir-faire et à la qualité des prestations pour nos clients, à notre optimisme et notre goût du challenge pour toujours faire mieux ; pour développer nos entreprises, fidéliser nos salariés et satisfaire nos clients. Notre capacité de résilience n’est plus à prouver.»

«Les entreprises amortisseurs de la crise : injuste !»

Cet élan d’enthousiasme, Émilien Gangemi, le tempérait rapidement, en listant, les nombreux dossiers préoccupant cet artisanat du bâtiment, source d’attractivité, dans sa diversité, pour le département : «Néanmoins, je ne vous le cache pas, ces derniers temps, nous sommes inquiets et préoccupés pour notre avenir… La conjoncture du 1er trimestre 2023 fait ressortir les premières baisses d’activité depuis le Covid. Baisses dans le neuf depuis le début de l’année mais aussi dans le secteur de la rénovation ces dernières semaines. En effet, l’inflation pèse de plus en plus sérieusement sur les clients qui ne peuvent plus investir ou qui hésitent à engager des travaux. En conséquence, les marges de nos entreprises sont amputées et nos trésoreries en pâtissent. Nos entreprises qui n’ont pas toujours pu répercuter les hausses de prix, ont joué le rôle d’amortisseurs de conjoncture. C’est injuste. C’est pour cela que nous plaidons depuis de nombreux mois, pour une réelle solidarité économique de la filière du Bâtiment, des industriels aux clients. En d’autres termes, nous souhaitons que chaque maillon de la chaine prenne une part des hausses de prix. Est-ce totalement farfelu comme demande ? Ne trouveriez-vous pas cela plus normal, logique et sain que chacun prenne sa juste part dans l’augmentation des prix ?»

Pénurie de main-d'œuvre : récurrent.

À cette conjoncture économique incertaine, le président de la CAPEB Moselle, pointait une difficulté récurrente, propre à tant de secteurs d’activité et leur lot de métiers en tension : «À côté de cela, nous avons toujours les plus grandes difficultés à trouver de la main-d’œuvre qualifiée et motivée … et nous devons essayer de satisfaire au mieux les nombreuses revendications salariales. C’est une équation très difficile à résoudre dans nos TPE et PME. Et je ne vous parle même pas des clients, toujours plus exigeants et impatients, qui veulent tout, toute de suite … même quand nous ne disposons pas des matériaux ! Vous vous doutez bien que tous ces facteurs créent un climat anxiogène pour les affaires et l’incertitude règne. Pour combien de temps encore il y aura du travail pour chacun d’entre nous ? Les prix ne seront-ils pas tirés vers le bas et nos marges, par conséquent, encore plus réduites ? Dans ce contexte, nous attendions avec une certaine impatience les mesures destinées à booster l’offre de logements. Force est de constater que le plan présenté par la Première ministre lundi dernier contient des mesures qui ne sont aucunement de nature à changer la situation dans laquelle se trouve le secteur ! Ce sont des mesurettes vraiment peu ambitieuses ! Grande déception !»

Des propositions concrètes

Émilien Gangemi rappelait ensuite les propositions faites par son mouvement à l’échelle nationale, vouées à se décliner localement : «Afin de soutenir la demande des particuliers qui subissent une dégradation de leur pouvoir d’achat, nous demandons, et ce depuis bien longtemps, la mise en place d’un taux de TVA réduit de 5,5 % pour tous les travaux de rénovation. En parallèle, nous estimons que pour permettre aux ménages de mieux financier le reste à charge afin d’engager des travaux de rénovation énergétique de leur logement, le secteur bancaire doit se mobiliser et une garantie d’État sur les prêts dédiés doit être mise en place. Mais nous n’oublions pas nos entreprises ! Nous devons avoir du souffle pour maintenir notre activité. Trop souvent, nous voyons nos encours fournisseurs réduits, et cela n’est pas acceptable. Déjà, avec la hausse des prix, mathématiquement, nos encours ne permettent plus d’obtenir la même quantité de matériel qu’auparavant. Alors si, de nouveau, du fait de la crainte des assurerances crédits de voir le nombre de défaillances d’entreprise augmenter, nos encours sont encore restreints et nos trésoreries ne pourront plus tenir ! Nous demandons ainsi, que l’État remette en place le dispositif de réassurance publique d’assurance-crédit. 5 Plus globalement, et ce dans l’ensemble des domaines, nous demandons à nos dirigeants de bien vouloir stopper l’empilement des contraintes administratives pesant sur nos entreprises. Nous n’avons de cesse de le marteler à l’ensemble de la classe politique. Nous avons des exemples à ne plus savoir qu’en faire ! Entre les contrôles en tous genres, les réglementations techniques inapplicables - à ce sujet, j’aimerais m’arrêter deux minutes sur une récente annonce qui est un non-sens total. Le gouvernement souhaite interdire l’ensemble des chaudières gaz à compter du 1er janvier 2026…. Ne serait-il pas plus logique de vouloir travailler à verdir le gaz plutôt que supprimer des chaudières gaz fabriquées en Europe pour les remplacer par des pompes à chaleur fabriquées en Chine ?»

Une lourdeur administrative qui pénalise les entreprises

Le président de la CAPEB Moselle, de poursuivre : «Reprenons nos exemples de contraintes et lourdeurs administratives : les bordereaux cerfa en tous genre, le dispositif RGE, les dispositifs d’aides aux travaux «MaPrimeRenov» et les Certificats d’économie d’énergie. Plus personne n’y comprend rien ! et au lieu de simplifier ou de financer des chantiers de rénovation énergétique, le législateur finance des accompagnateurs Renov ! Nous finançons donc des «accompagnateurs de la complexité administrative» ! Alors, là, Bravo ! On marche vraiment sur la tête… Et pour couronner le tout, il est question d’étendre le bénéfice du dispositif MaPrimeRenov’ aux particuliers qui réalisent eux même leurs travaux de rénovation énergétique. Cela fait 10 ans que des entreprises se forment et subissent les affres du label RGE et aujourd’hui on envisagerait d’ouvrir MPR aux particuliers bricoleurs ? Cherchez l’erreur ! Et la REP : responsabilité élargie du producteur on en parle ? En vigueur depuis le 1er mai 2023, alors que rien, absolument rien n’est prêt ! et on impose à tous les menuisiers fabricants et à toutes les entreprises qui importent des matériaux de s’affilier à un éco-organisme ! De nouveau, Cherchez l’erreur ! Même certains parlementaires osent le dire : il y a en France une surréglemention administrative et un diktat bureaucratique. Comment dans un tel contexte, le gouvernement et l’État peuvent-ils croire une seconde qu’ils peuvent remporter la bataille économique dans laquelle nous sommes engagés ? Notre proposition est simple et constante : engageons un vrai grand chantier de la simplification ! En écoutant le terrain, les entreprises locales ! Il n’y a pas que la mondialisation, les marchés internationaux, le CAC 40, les experts dans les ministères… il y a aussi les 3,5 millions d’entreprises de proximité qui en France emploient 4 millions de salariés… Nos entreprises sont présentes sur tous les territoires, notamment ruraux, ils forment des apprentis, aiment la vie locale, créent tous les jours du lien avec les citoyens … ils attentent d’être entendus et traités avec une toute autre considération.»

«Œuvrer sereinement pour gagner le juste fruit de leur travail»

Émilien Gangemi, de conclure : «Ensuite l’État ne doit plus décourager les forces vives de la nation. Nous avons besoin d’entrepreneurs qui investissent, qui emploient, qui innovent pour créer de la richesse et financer notre modèle social. Nous avons besoin de travailler sans boulets aux pieds, avec clarté et sécurité juridique. Nous avons besoin de respirer, de nous concentrer sur des activités qui rapportent des points de croissance. Il faut redonner du souffle, libérer les énergies et soulager les TPE et PME qui n’aspirent qu’à une chose : œuvrer sereinement pour gagner le juste fruit de leur travail. Vous le voyez, beaucoup de défis et de combats nous attendent au cours des prochaines années dans un monde totalement incertain. Mais parce que des solutions sont possibles, je vous invite à continuer à ne pas vous résigner, à continuer coûte que coûte à faire preuve de résilience dans les mois à venir qui risquent d’être compliqués, et à vous lever avec la CAPEB. Avec plus de 61 000 entreprises adhérentes dans toute la France, dont plus de 1 000 en Moselle, la CAPEB est la 1ère force patronale de France tous secteurs d’activité confondus. Nous avons donc la responsabilité de porter les revendications essentielles pour que nos entreprises continuent d’avoir de l’activité, embauchent, créent de la croissance, et la richesse.» Après les mots engagés d’Émilien Gangemi, un temps de débats, animé par Benoît Quemar, conférencier sur les relations intergénérationnelles, s’est articulé sur le thème «comprendre et engager les nouvelles générations du bâtiment». Une réflexion qui dégage deux défis majeurs : l’attrait des métiers de la construction et le rapport au travail.

. Le barbecue party de la CAPEB Moselle aura lieu le vendredi 7 juillet à midi, sur le parking de ses locaux, 39 avenue des deux fontaines, à Metz.

«Le pessimisme, la morosité et l'immobilisme n'étant pas dans l'ADN de la CAPEB, nous avons de nombreuses propositions pour permettre à nos entreprises de maintenir le cap», assure Émilien Gangemi, président de la CAPEB Moselle.

Une AG très suivie. © CAPEB Moselle.