Entreprises

Défaillances d’entreprises en Moselle : l'année des incertitudes

Semaine après semaine, la courbe des défaillances d’entreprises en Moselle monte, se rapprochant des années pré-Covid. Effet rattrapage ? La réalité est plus complexe et peu enthousiasmante. Les petites entreprises paient là un contexte général dégradé. Mais ce n’est pas la seule raison… Cela impactera le paysage socio-économique en 2024. 

Les entreprises, les plus petites notamment, entrent dans 2024 avec un lot d'incertitudes.
Les entreprises, les plus petites notamment, entrent dans 2024 avec un lot d'incertitudes.

La thématique des entreprises en difficulté se situe au carrefour des analyses macroéconomiques, des réformes, des sujets sociaux et du pouvoir d’achat. On le rappelle, de 8 à 9 entreprises en France sont des structures de moins de cinq personnes. La Moselle se situe dans cette physionomie hexagonale. Le tissu entrepreneurial local, cette économie de proximité, source d'attractivité pour nos territoires, est durement touché ces dernières années. Ici aussi, le département mosellan s’inscrit dans une tendance nationale.

Faillites en hausse début 2024

Après une période d’atonie lors de la crise sanitaire et les aides massives de l’État, le placement sous assistance financière de tout un pan de notre économie, le contexte inflationniste qui a contracté le budget des ménages, la hausse des prix des énergies et des matériaux, les conséquences du conflit russo-ukrainien, le niveau des défaillances en Moselle rejoint au fil des mois celui des années pré-Covid. En 2021 et 2022, respectivement 330 et 455 entreprises avaient ouvert dans le périmètre mosellan une procédure de défaillance. Avant de connaître les données définitives pour 2023, ce nombre sera porté au-delà des 600. Ce qui nous ramène à des statistiques observées en 2017, 2018 et 2019, avec, respectivement, 704, 677 et 713 procédures de défaillance. On pourra y voir un logique effet de rattrapage. La réalité présente des accents beaucoup moins consensuels. Avec cette constance économique : les périodes de contraction économique ont toujours généré un flux de faillites. C’est précisément dans cette situation dans laquelle nous nous trouvons en ce début 2024.

Effet boomerang du «quoi qu'il en coûte»

La construction est le secteur le plus impacté. C’est ensuite l’hôtellerie-restauration qui comptabilise le plus grand nombre de défaillances. Pourtant, ses chiffres sont bons après la saison estivale. L’effet d’un argent public non ciblé pendant le «quoi qu’il en coûte» s’est tari. Ces établissements doivent désormais gérer, seuls, le remboursement du PGE, en y ajoutant l’augmentation des coûts. Les services aux particuliers, comme les coiffeurs, sont le troisième secteur fortement fragilisé. Les petits commerces, ceux pour beaucoup, qui avaient été appelés «non essentiels» au début de la pandémie, sont très affectés. Rien d’étonnant donc à voir la courbe du chômage remonter, après la bonne orientation des mois passés (en Moselle, 7,3 % au 3e trimestre 2023, contre 7,1 % au 3e trimestre 2022) : les faillites d’entreprises ont un impact au niveau de l’emploi. Plusieurs explications : inflation, ralentissement de la croissance, baisse de la demande des ménages - logement, carburant, énergie, alimentation -. C’est un fait : quand beaucoup d’entreprises ont été soutenues par les aides publiques durant la pandémie, elles sont aujourd’hui endettées et doivent faire face à leurs échéances.

Un endettement public abyssal

Les aides massives, sans étude d'impact, ont provoqué des effets d'aubaine, des distorsions de marché et un coût pour la collectivité. Dans un contexte national budgétaire plus que dégradé et alarmant, l’endettement public a dépassé la barre des 3 000 Mds€ en 2023, soit 110 % du PIB et un déficit à 4,9 % du PIB. En 2024, l’État français doit lever 285 Mds€ de dette sur les marchés financiers. Disons-le clairement, voilà bien longtemps que notre pays fait l’autruche, ne voulant pas voir la réalité des choses, quand à cette dette abyssale. Remettre au lendemain, temporiser, ajourner : c’est devenu un sport hexagonal quant à notre endettement public. Au bout de cette procrastination peu vertueuse, ce sont, au final, les petits entrepreneurs qui paieront la casse. Car ni l’international, ni le national, ne sont déconnectés du local. Il est plus qu’urgent d’adapter le droit des entreprises en difficulté pour leur permettre de traverser la crise actuelle. Non pas par de nouvelles perfusions, mais bien par un «big bang» fiscal et social. En Moselle, comme ailleurs, l’attente des chefs d’entreprise est énorme sur ce point. Ce n'est point de l'impatience, mais du réalisme et du pragmatisme d'entrepreneur.