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Alternance : où en sont les filles en Moselle ?

Une femme plombière ? Mécano ? Carrossière ? Ces métiers par voie d’apprentissage sont encore peu exercés par des filles. En Moselle, elles sont 30 % des apprentis, choisissant souvent, par tradition sociétale, les métiers de la coiffure ou de l’esthétique. Pourtant, certaines franchissent le Rubicon des «métiers masculins». Encore peu nombreuses mais avec réussite, souvent. Au final, tout est affaire de changement de regard et d'évolution des mentalités : de la part des jeunes, des familles et des chefs d'entreprise.

Les métiers du bâtiment multiplient les actions pour féminiser leur branche.
Les métiers du bâtiment multiplient les actions pour féminiser leur branche.

En préambule, on rappellera l’ADN du Campus des Métiers de Moselle et ses missions cardinales. Il est composé de trois CFA (Metz, Forbach et Thionville) et de l’Institut Supérieur National de l’Artisanat dévolu à la prothèse dentaire. Le campus propose un enseignement en alternance entre l’entreprise et le centre de formation sur les métiers de l’artisanat. Il permet à toute personne de 16 à 29 ans d’acquérir des compétences techniques, des connaissances générales et professionnelles. Plus de 40 diplômes y sont préparés sur les niveaux 3, 4 et 5 dans les domaines tels que l’alimentation, le service à la personne, l’automobile, les énergies électriques et leurs communications et les métiers des arts graphiques. Le campus est doté d’équipements de hautes technicités : «Pôle Élite» en automobile, centre historique en prothèse dentaire, pôle alimentaire aux normes CE, salon de soins esthétiques équipé des dernières technologies, etc. Plus de 2,6 millions d’euros ont été investis en cinq ans sur les trois CFA du campus. Voilà pour le cadre.

Les clichés ont la vie dure...

Avec le boom de l’apprentissage en France - plus de 600 000 contrats signés cette année -, l’entité mosellane suit la tendance, en accueillant plus de 1 000 apprentis. Dont 31 % de filles, donnée stable depuis plusieurs années maintenant. Justement, quant à l’alternance, où en sont les filles ? Dans un panorama où donc deux apprentis sur trois sont des hommes, elles demeurent moins nombreuses à choisir ce mode de formation, mais s’en servent tout de même pour accéder au niveau de l’enseignement supérieur. Le cœur du problème prend sa source dans l’orientation, un secteur où les clichés et la méconnaissance de certains métiers ont la vie dure. En Moselle, comme ailleurs. Combien de fois entend-on encore, cette ritournelle sortie du fond du Moyen âge ? : «Métier de garçon, métier de fille, difficile d’intégrer une femme dans une équipe d’hommes.» Celles qui prennent la voie de l’apprentissage se tournent souvent vers les services, en grande partie dans la coiffure et les soins de beauté, où elles représentent quasi 100 % des diplômés.

De disparités en inégalités

C’est un fait statistique : la plupart des CAP préparés en alternance relève des secteurs où les filles sont (trop) peu nombreuses : bâtiment et travaux publics, maintenance automobile, travail des matériaux… Les spécialités de service aux entreprises sont ici plus féminisées : commerce, vente, comptabilité, gestion… Ce déséquilibre se retrouve au niveau supérieur. Elles ne sont que 17 % à préparer un diplôme d’ingénieur par alternance, alors qu’elles représentent un peu plus du quart des effectifs des écoles d’ingénieurs. Là encore, les spécialités proposées, mécanique, technologies industrielles, électricité… sont peu choisies par les femmes. Les filles qui souhaitent devenir plombière, carrossière ou ingénieure en mécanique se heurtent parfois à un obstacle supplémentaire : la difficulté de trouver un employeur, notamment dans les TPE qui pèsent les deux tiers des contrats d’apprentissage.

Un désir d'avenir

Dans nombre d’entreprises, cependant et heureusement, les mentalités évoluent, sous l’impulsion, par exemple, de la Fédération française du Bâtiment ou du Syntec, qui fédère les entreprises du numérique. Un autre facteur explique pourquoi l’apprentissage est bien loin de la parité. Les filles optent plus souvent vers les études supérieures : 45 % des apprenties préparent un bac + 2, ou au-delà, soit 10 points de plus que la part correspondante chez les apprentis. Et même en progression, les contrats d’apprentissage du supérieur représentent 20 % du total. Dans un monde du travail où la majorité des métiers sont encore étiquetés «masculins» ou «féminins», il est parfois difficile pour une fille, comme pour un garçon, de s’imaginer choisir des études pour exercer un métier de l’autre sexe. Et si cela changeait, enfin. Un peu comme dans le «monde d’après» ?

63 %
C'est le taux d'apprenties du Campus des Métiers de Moselle âgées de 16 à 20 ans.