Vers une démondialisation de l’économie ?

Vers une démondialisation de l’économie ?

Selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), 2016 a été l’année où la croissance mondiale du commerce et de la production aura été la plus lente depuis le début de la crise. D’aucuns y voient le prélude à une démondialisation…
Les dernières estimations de l’OMC laissent présager une poursuite du freinage du commerce international amorcé avec la crise de 2008. On assiste surtout à la fin d’une tendance historique, qui avait vu le commerce mondial de marchandises augmenter en moyenne 1,5 fois plus vite que le PIB : désormais le rapport est proche de 1 pour 1 ! Pire, si les exportations mondiales de biens et de services stagnent en volume, elles reculent très nettement en valeur, même lorsqu’on retranche les échanges énergétiques. Une telle tendance est bien entendu défavorable aux pays dont la croissance dépend fortement des exportations et nécessite de leur part un rééquilibrage des composantes de leur croissance.

Une démondialisation de l’économie réelle
Le ralentissement des échanges internationaux de biens et services tient à court terme à la situation économique tendue que connaissent de nombreuses économies émergentes comme le Brésil ou la Chine. Les autorités chinoises cherchent en effet à rééquilibrer leur modèle économique, pour l’instant basé essentiellement sur les exportations, en donnant plus d’importance à la demande intérieure. Or, le recul marqué des importations de la Chine conduit inévitablement à un ralentissement du commerce avec ses voisins directs, mais aussi avec le reste du monde puisqu’il n’existe guère de pays qui ne soit en affaires avec l’Empire du Milieu. Des causes structurelles expliquent également le freinage du commerce mondial. Tout d’abord, après des décennies de délocalisation dans les pays à bas coûts et d’éclatement des processus de production entre différentes régions du Globe, c’est à une désegmentation des chaînes de valeur que l’on assiste depuis peu. Cette concentration de la production sur un nombre plus faible de localisations se conjugue parfois à un rapatriement des usines vers les pays développés, suite aux difficultés de coordination d’une telle géographie productive, à l’augmentation des coûts de production dans les pays émergents et à la demande des consommateurs pour des productions à fort contenu national. De plus, l’économie mondiale s’est tournée vers le secteur des services, qui traditionnellement enregistre des gains de productivité plus faibles que l’industrie et exporte moins.

Le protectionnisme a le vent en poupe
Face au constat d’une mondialisation malheureuse pour un grand nombre d’entreprises et de ménages, nombreux sont les dirigeants politiques, comme Donald Trump, à céder aux sirènes d’unprotectionnisme parfois radical. Or, au vu de l’absence de substituabilité entre importations et production domestique aux États-Unis, un protectionnisme trop fort déboucherait sur une augmentation du prix des importations, et donc une amputation du revenu national. Ce constat et ses conclusions peuvent du reste être étendus à quasiment tous les pays de l’OCDE, ce qui explique, la mise en garde, à l’instar du FMI, le Fonds monétaire international, de Catherine Mann, cheffe économiste de l’OCDE : «Le protectionnisme, et les inévitables mesures commerciales de rétorsion qu’il entraîne, annulerait une grande partie des effets bénéfiques que les initiatives budgétaires proposées pourraient avoir sur la croissance au niveau national et international. (…) Le protectionnisme permet peut-être de préserver les emplois de quelquesuns, mais il assombrit les perspectives et nuit au bien-être de nombreux autres». Si un protectionnisme raisonnable fait partie intégrante de la boîte à outils du dirigeant lors d’une grande récession, le protectionnisme radical est assurément l’arme de destruction massive d’une économie, comme l’a prouvé la Grande Dépression des années 1930.

Une mondialisation atypique
À l’inverse de la production manufacturière, les services numériques prennent désormais une dimension mondiale avec par exemple 1,7 milliard d’utilisateurs actifs, chaque mois, chez Facebook, ce qui signifie au moins autant de données collectées… Quant à l’augmentation de la taille des flux financiers mondiaux et à la hausse des dettes et actifs extérieurs, elles témoignent d’une mondialisation financière croissante qui, en générant, entre autres, une forte variabilité des taux de change, amplifie, dans une certaine mesure, le ralentissement du commerce mondial. En définitive, c’est à un phénomène atypique que l’on assiste : un mouvement de démondialisation de l’économie réelle accompagné d’un approfondissement de la mondialisation financière et des services numériques !

raphaël.didier