Russie et business mondial

Au moment où le dogme de la globalisation galopante montre des signes d’essoufflement, la Russie fait son entrée remarquée au sein de l’OMC. A la satisfaction des membres du club, qui lorgnent sur le potentiel enviable de son marché intérieur. Mais cet eldorado pourrait bien n’être qu’un décor.

La Russie vient de faire son entrée à l’Organisation Mondiale du Commerce… au moment où le dogme de la globalisation galopante montre des signes d’essoufflement.
La Russie vient de faire son entrée à l’Organisation Mondiale du Commerce… au moment où le dogme de la globalisation galopante montre des signes d’essoufflement.
La Russie vient de faire son entrée à l’Organisation Mondiale du Commerce… au moment où le dogme de la globalisation galopante montre des signes d’essoufflement.

La Russie vient de faire son entrée à l’Organisation Mondiale du Commerce… au moment où le dogme de la globalisation galopante montre des signes d’essoufflement.

Vous êtes maintenant au courant : le 22 août, la Russie est devenue le 156ème membre de l’OMC. Comme la Fédération avait déposé sa candidature dès la création de l’Organisation Mondiale du Commerce, en 1993, on imagine sans peine l’épaisseur du dossier russe après plus de dix-huit ans de tractations. Car le statut de membre suppose une multitude d’accords bi et multilatéraux qui constituent l’ossature du contrat d’adhésion. Car si l’objectif premier de l’Organisation est de faciliter et de fluidifier le commerce international, son rôle consiste également à arbitrer les très nombreux litiges qui en résultent. Voilà sans doute ce qui a justifié la rénovation et l’extension de ses locaux à Genève, dont l’achèvement est prévu en fin d’année. Le nouveau bâtiment devrait offrir un concentré des exigences suisses en matière de construction écologique, bien que l’ensemble des travaux n’ait coûté «que» 130 millions de francs, dont la moitié offerte en toute neutralité par la Confédération helvétique ellemême. Ainsi liftée et greffée de mètres carrés supplémentaires, l’Organisation peut accueillir, deux jours après la Russie, la République de Vanuatu, plus présente dans nos mémoires sous l’identité des Nouvelles-Hébrides, appellation qui prévalait du temps de l’administration franco-anglaise de ces îles mélanésiennes. Si les commentateurs ont abondamment discouru sur l’adhésion de Moscou, ils ont pudiquement passé sous silence celle de Port-Vila. Certes, cette République compte moins de 240 000 Vanuatais, ce qui équivaut à la nonexistence dans notre perception globalisée. Elle n’a pas de pétrole ni de ressources minières, sa population est principalement occupée à l’agriculture vivrière et à la pêche de subsistance et elle méconnaît totalement le concept d’imposition. En fait, le pavillon de complaisance et la finance offshore sont les deux mamelles du pays.

L’exception russe

L’entrée de la Russie, au contraire, suscite des torrents de glose. Il n’est pas douteux que son arrivée tardive dans le club des mercantis résulte principalement de l’atermoiement des autorités moscovites. Pourtant, pensera-t-on, l’exemple du voisin chinois aurait dû activer le processus de décision. Avant son entrée à l’OMC, la Chine exportait principalement de la quincaillerie industrielle, une aptitude qu’elle a développée au point de devenir la première usine du monde. En Russie, c’est différent : ses exportations sont essentiellement constituées de matières premières énergétiques, lesquelles ne sont pas concernées par les accords de l’Organisation. Pourquoi cette exception, pensera-t-on, dès lors que le commerce des énergies fossiles représente une part importante des échanges mondiaux ? La réponse la plus évidente est que tout le monde en a besoin. Par son entrée dans l’OMC, la Russie va d’abord minorer ses ressources fiscales provenant des droits de douane (appelés à être réduits, voire supprimés). Ensuite, son marché intérieur va être inondé de produits importés : l’industrie russe n’a pas bonne réputation, car ses manufactures proviennent essentiellement de l’héritage soviétique. Elles se trouvent ainsi aussi obsolètes que le léninisme. Une production de qualité médiocre et de prix excessif, car le niveau des rémunérations est considérablement plus élevé en Russie qu’en Chine. En foi de quoi les économistes occidentaux délivrent-ils leur verdict : Moscou doit sacrifier son industrie. Et profiter des facilités offertes aux capitaux étrangers pour développer, par exemple, les Mac Do, les Wal-Mart et autres parcs d’attractions d’un homo oeconomicus digne de ce nom. Cette analyse est d’autant plus surprenante qu’au même moment, tant aux Etats-Unis qu’en France, les autorités prennent tardivement conscience du prix exorbitant de la désindustrialisation. Et s’emploient à rétablir ou rapatrier, sur leur territoire, les manufactures que les tout-puissants financiers ont fait délocaliser au nom de la loi sacrée de la division internationale du travail. Au vu de leur conception de la souveraineté nationale et de leur attachement aux spécificités culturelles, il paraît douteux que les autorités russes se convertissent au dogme défraîchi de la globalisation sans entraves, et acceptent de se faire razzier par les brigands policés de la City et de Wall-Street. L’OMC peut d’ores et déjà édifier une nouvelle aile à son siège social, pour le traitement des contentieux à venir entre la Russie et les 156 autres membres…