Thionville

Voyage dans l’histoire de l’écriture, témoin du temps qui passe

Un rare moment d'authenticité et une vertigineuse plongée dans le dédale des siècles passés. À l’heure de la dématérialisation grandissante et des rapports de plus en plus virtuels, la ville de Thionville présente une manifestation porteuse de sens, de valeurs, dirions-nous. Comme un repère apaisant et indispensable dans le contexte lié à la crise sanitaire. Dénommée modestement et subtilement : «C’est écrit». Une immersion dans les couloirs du temps, à la découverte de l’histoire ancestrale de l’écriture. Coup d'envoi le mercredi 19 mai.

Dans les couloirs du temps, à la découverte de l'écriture ancestrale.
Dans les couloirs du temps, à la découverte de l'écriture ancestrale.

«C’est écrit». Une magnifique chanson d’amour interprétée par Francis Cabrel. Cette belle mélopée distille accents de romance et de nostalgie, et a bercé beaucoup d'entre nous. Elle date de 1989. «C’est écrit». Plus de 30 ans après, toujours des lettres, accrochées les unes aux autres, causant hardiment, composant une étonnante partition, dans un zeste d'éternité et d'intemporalité. À Thionville. La ville mosellane campe, du 19 mai au 5 septembre, une manifestation tout public, en divers endroits symboliques de la localité. Une ode aux mots, en toute simplicité. «Verba volant, scripta manent.» L’expression dont les origines remontent à l’Antiquité peut se traduire par «les paroles s’envolent, les écrits restent.» L’écrit, pilier de nos existences. Conservateur de l’Histoire, relais de la transmission des savoirs, réceptacle de notre mosaïque d'émotions - l’amour tout particulièrement - et pierre angulaire de notre civilisation, de notre société contemporaine, base de toute son organisation dans ses multiples composants. La ville de Thionville dévoile expositions, temps forts et ateliers. Parce qu’écrire, c’est la vie qui s’anime, dans ses instants de joie et de peines, dans ses exaltations et ses drames, dans ses petits moments précieux et intimes du quotidien et les grands événements forgeant notre corpus collectif.

Au musée de la Tour aux Puces

Une exposition de plus d’une centaine d’objets y relatera l’histoire de l’écriture de ses origines à l’invention de la machine à écrire. Des exemples d’écritures cunéiformes, hiéroglyphiques, démotiques et chinoises illustreront le passage du pictogramme à l’idéogramme puis au syllabaire afin d’aboutir au système alphabétique. Selon les besoins et les influences, il va se décliner en plusieurs grands alphabets, dont les principaux seront le grec, l’hébreu, le latin, le cyrillique et l’arabe. Des exemples anciens, quelque fois issus de fouilles archéologiques, seront associés à des formes modernes afin de comprendre l’évolution et la vivacité d’une écriture. Une large part sera consacrée aux instruments de l’écriture qui, selon le support utilisé et le but recherché, n’ont cessé de se transformer et de s’adapter, le stylet en fer laissant sa place à la plume d’oiseau qui elle-même disparaît au profit de son homologue métallique, obligée de céder sa place au stylo plume puis bille. L’imprimerie et la machine à écrire viendront faciliter le difficile exercice qu’est l’écriture. Le nombre important d’objets présentés proviennent du musée du Louvre, des musées de la région Grand-Est - Saint-Dié, Reims, Sarrebourg, Sarreguemines, Toul, Metz, Jarville, Commercy, Lunéville, Université de Nancy, des Archives Départementales Moselle et Meuse et de collections particulières. Lors des Journées nationales de l’Archéologie, les 19 et 20 juin, Gilles Malgonne, calligraphe, proposera des démonstrations d’écritures anciennes.

Conservatoire - Espace Suzanne Savary

Ici est présentée une exposition consacrée à la naissance de la notation musicale, des origines au Moyen-Âge. Des panneaux descriptifs et chronologiques présentent les traces de notation de l’Antiquité jusqu’à l’invention du nom des notes de musique et leurs applications par les moines et musiciens médiévaux. Quelques manuscrits authentiques et fac-similés de cette période sont visibles dans les vitrines, montrant la richesse des neumes, des textes et enluminures. Plusieurs instruments du Moyen-Âge sont exposés. Ils ont pour la plupart, avec la voix, permis de transcrire pour l’écoute ces codes musicaux enluminés sur des parchemins. Un support audiovisuel permet aux visiteurs de plonger dans le berceau de la notation musicale qui deviendra notre écriture actuelle, en perpétuelle évolution.

Puzzle et Centre Jacques Brel

L’exposition aborde là l’écriture dans son habileté à transmettre ce que nous ne connaissons pas, ou peu, du monde et surtout de nous-même. Les œuvres présentées seront visibles à PUZZLE, mais aussi dans la rue. Dans le tiers-lieu, «Suite vénitienne» de Sophie Calle, prêtée par le MUDAM de Luxembourg, sera installée en salle blanche. Elle relate, par le biais de photographies et de textes, la discrète poursuite, à Venise, d’un homme qu’elle connaît à peine. À ses côtés, Claudia Passeri traite de la puissance des mots à évoquer les images. Représentations mentales, concepts, l’écrit transporte ailleurs. Cette force de l’écriture, Véronique Béland et Frédéric Develay l’utilisent également dans leurs œuvres. Par le contraste entre leur économie de moyens et leur énergie symbolique, elles provoquent l’imaginaire. En ville, d’une part, les affichages réalisés par l’Atelier national de Recherche Typographique de Nancy seront disséminés dans un parcours urbain. Les travaux graphiques utiliseront des langues disparues ou peu utilisées, dont les symboles ne peuvent être réalisés sur un ordinateur. D’autre part, l’artiste thionvilloise Ludivine Ledoux exposera son travail autour du platt, dialecte local en voie de disparition, dans la vitrine de la salle In Vitro.



Les dates

• Musée de la Tour aux Puces, «c’est écrit, l’aventure de l’écriture du calame au stylo Bic», du mercredi 19 mai au dimanche 5 septembre.

• Conservatoire de Musique, Espace Suzanne Savary, «aux origines de la note», du mercredi 19 mai au vendredi 28 mai.

• PUZZLE et Centre Jacques Brel, du jeudi 27 mai au samedi 3 juillet.