Trois questions à Frédérique Feriaud, directrice générale des services du Médiateur national de l’Énergie

Énergie : «réaliser des économies par rapport aux tarifs réglementés n'est plus aussi simple»

Alors que la précarité énergétique s'est fortement développée avec la pandémie, il devient de plus en plus difficile pour les ménages de réaliser des économies dans ce domaine. Et le Médiateur national de l’Énergie constate un accroissement du nombre de litiges.

Frédérique Feriaud, directrice générale des services du Médiateur national de l’Énergie. © Kim REDLER.
Frédérique Feriaud, directrice générale des services du Médiateur national de l’Énergie. © Kim REDLER.

À l'heure où la Fondation Abbé Pierre vient de créer la «journée contre la précarité énergétique», quel est votre regard sur ce phénomène ?

Notre baromètre Énergie-Info, publié ce mois d'octobre, montre que les indices mesurant la précarité énergétique se sont fortement dégradés. En fait, ils n'ont jamais été aussi élevés. 20 % des foyers déclarent avoir souffert du froid l'hiver dernier. Et un quart d'entre eux a connu des difficultés pour payer sa facture de gaz ou d'électricité. C'est encore plus marqué chez les jeunes, qui sont près d'un sur deux à connaître cette situation. Car avec la crise sanitaire et le confinement, la consommation d'énergie a augmenté au moment même où les personnes connaissaient des difficultés financières. Et actuellement, la hausse des prix du gaz et du tarif réglementé a un impact direct sur la facture énergétique des Français. Pour l'électricité en revanche, le tarif réglementé n'a pas augmenté, et donc, pour la majorité des consommateurs, la facture n'a pas évolué. Mais les prix ont beaucoup augmenté sur les marchés, ce qui rend de plus en plus difficile, pour le consommateur, de trouver des offres intéressantes.

Les Français essaient-ils encore aujourd'hui de faire des économies ? Est-ce encore possible ?

Les marchés du gaz et de l'électricité sont ouverts à la concurrence depuis 15 ans et 90 % des Français savent qu'ils peuvent choisir leur fournisseur. Toutefois, l'énergie demeure un achat contraint. Et les fournisseurs n'ont pas la possibilité de proposer des options un peu ludiques, différentes, comme dans le domaine de l'Internet. Résultat : peu de consommateurs s'intéressent particulièrement au sujet. C'est lorsque les prix augmentent que nous constatons un regain d'attention. Mais dans le contexte actuel, réaliser des économies par rapport aux tarifs réglementés n'est plus aussi simple : la plupart des fournisseurs ont augmenté les prix pour leurs nouveaux clients. D'autres ne proposent plus rien. Leclerc Énergie a même résilié les contrats de ses clients. Et, s'il est difficile de prévoir l'avenir, il est probable que les prix de l'énergie sur le marché conservent un niveau élevé un certain temps encore.

Les consommateurs se tournent-ils de plus en plus vers la Médiation, pour résoudre leurs litiges ?

Depuis 2015, les litiges augmentent et cette tendance se poursuit aujourd'hui encore. En 2020, nous avons atteint les 27 000 litiges et nous devrions dépasser le seuil des 30 000 cette année. Les motifs sont nombreux. En tête, figurent les problèmes de facturation, avec des montants contestés, ou des soucis de prix, de rythme de facturation, des remboursements de trop perçus non versés... Par ailleurs, les fournisseurs sont nombreux à se faire concurrence, ce qui engendre un démarchage intense. Or, les pratiques sont parfois trompeuses, voire, frauduleuses. En ce qui concerne les opérateurs concernés par les litiges, il serait erroné d'opposer les historiques et les nouveaux entrants. En effet, à l'origine d'un litige, il peut y avoir un changement contractuel qui engendre un problème technique. Il est clair que si un client conserve un même contrat durant 15 ans, rien ne se passera...

Propos recueillis par Anne DAUBRÉE