Droit

Sortie de crise : les acteurs de la prévention plus que jamais mobilisés aux côtés des entreprises

La mobilisation des Centres d’information et de prévention des difficultés des entreprises (CIP) ne faiblit pas. Présents sur tout le territoire, ils réunissent un grand nombre d’acteurs, dont de nombreux professionnels du droit et du chiffre, qui interviennent bénévolement auprès des chefs d’entreprise en difficulté.

La mobilisation des Centres d’information et de prévention des difficultés des entreprises (CIP) ne faiblit pas.
La mobilisation des Centres d’information et de prévention des difficultés des entreprises (CIP) ne faiblit pas.

Il en existe aujourd’hui une soixantaine en France. Les Centres d’information et de prévention des difficultés des entreprises (CIP) territoriaux rassemblent les instances locales des organisations membres de ce vaste réseau national : chambres de commerce et d’industrie, conseils régionaux de l’ordre des experts-comptables, centres de gestion agréés, ordres des avocats, chambres des métiers, Medef territoriaux, agences locales de développement… Ils reçoivent, informent et conseillent bénévolement les acteurs économiques sur l’ensemble des dispositifs de prévention des difficultés, d’aide et de soutien aux entreprises et aux entrepreneurs.

Signataire du plan d’accompagnement des entreprises en sortie de crise lancé en juin dernier par le ministre de l’Économie et le ministre de la Justice, le CIP National, qui représente tous les CIP territoriaux, a organisé le 2 juillet dernier sa conférence annuelle sur le thème de la prévention à l’heure de la sortie de crise. Elle a réuni les principaux membres du réseau qui ont rappelé quels sont les dispositifs de traitement des difficultés des entreprises et de soutien aux chefs d’entreprise existants, et ont discuté de la nouvelle procédure dite de sortie de crise, destinée aux petites entreprises, prévue par le gouvernement à partir de septembre prochain.

La force de l’anticipation

«Dès que l’impasse de trésorerie se présente, le compte à rebours commence et le temps s’écoule extrêmement vite», a expliqué Brigitte Bisson, présidente du tribunal de commerce de la Rochelle et représentante de la Conférence générale des juges consulaires de France au sein du CIP National. «Plus l’entreprise tarde et moins de solutions s’offrent à elle. Plus le chef d’entreprise s’y prendra tôt et plus la négociation avec ses partenaires lui permettra d’obtenir un joker, qu’il s’agisse d’un privilège de ‘new money’, d’un nouvel actionnaire, de nouvelles conditions d’apurement des concours bancaires, voire de moratoires avec ses principaux fournisseurs.» Et c’est pourquoi «l’ensemble des tribunaux de commerce insistent sur cette force de l’anticipation.»

«Trop de dossiers nous arrivent trop tard, en état de cessation de paiement depuis de très longs mois, voire sans comptabilité, faute du paiement des honoraires des experts-comptables», a-t-elle poursuivi. «Dès la rupture des liens avec l’expert-comptable, il faut accompagner le chef d’entreprise vers le tribunal de commerce, en respectant, bien entendu, la stricte confidentialité : c’est une des clés de la réussite des procédures amiables, et le seul qui puisse rompre cette confidentialité c’est le chef d’entreprise lui-même, en fonction de la stratégie qu’il souhaite mener.»

Un système très performant dans sa vocation de sauver l’entreprise

«Pour les entreprises en difficulté qui entrent en procédure en France, que ce soit l’amiable - mandat ad hoc et conciliation -, la sauvegarde ou le redressement, dans 40 % des cas il y a une solution de sortie, contre 8 % au Pays-Bas, 5 % en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Espagne», a relevé Frédéric Abitbol, vice-président du Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires. «On a donc un système qui dans sa vocation de sauver l’entreprise est extrêmement performant.»

Concernant la future procédure de traitement de sortie de crise, «c’est une procédure de redressement judiciaire simplifiée» a-t-il poursuivi : «le chef d’entreprise va au tribunal, qui nommera un seul mandataire pour une mission de surveillance de trois mois maximum.» Autrement dit «pour faire simple : diagnostic gratuit, mandat ad hoc low cost, avec une mission non invasive, car limitée à la simple surveillance et limitée à trois mois, et on sort, par hypothèse, avec un plan qui étale le passif jusqu’à dix ans.»

Accepter que des entreprises meurent et aider leurs dirigeants à rebondir

«Bravo à l’État qui a réussi une mission très difficile, mais il faut savoir en sortir», a pointé l’avocat Georges Teboul, représentant du Conseil national des barreaux (CNB) au CIP national. «Il faut maintenant trier les entreprises, aider celles qui le méritent», mais «on ne pourra pas sauver tout le monde.» Il y a un moment où il faut «admettre que des entreprises meurent, ce qui veut dire qu’il va falloir aider leurs dirigeants à rebondir.» Et l’avocat de conclure : «aider une entreprise morte qui n’est pas rentable, cela ne sert à rien. Aider un dirigeant à tirer un trait et rebondir, ça c’est utile.»

Des réseaux associatifs assurent cette mission d’aide et de soutien auprès des chefs d’entreprise en difficulté. C’est la mission d’APESA France, née en 2013, après la crise financière, et qui a constitué un réseau de psychologues, spécifiquement formés et rémunérés pour accompagner les chefs d’entreprise en difficulté. L’association, qui a noué des liens avec près de 80 tribunaux de commerce qui ont rejoint ce dispositif, a également lancé un numéro vert (0.805.65.50.50) pendant la crise sanitaire. Les associations Échanges et consultations techniques internationaux (ECTI) et Entente des générations pour l’emploi et l’entreprise (EGEE) réunissent, quant à elles, en leur sein des seniors, anciens cadres supérieurs et dirigeants d’entreprise, qui mettent bénévolement leurs compétences et leurs parcours au service des entrepreneurs, et réalisent, chaque année, des centaines de mission auprès des TPE et PME.

Miren LARTIGUE