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Réforme des retraites : la CPME 57 approuve… avec un bémol

Au diapason de sa confédération nationale, la CPME 57 note que «les annonces d’Élisabeth Borne ce 11 janvier 2023 vont dans le bon sens.» Satisfecit sur la pension minimale, les carrières longues, l’usure professionnelle, les parcours professionnels des femmes. Elle met toutefois l’accent sur des potentialités du projet de réforme des retraites non exploitées. Et regrette les disparités entre public et privé.

L'emploi des seniors est l'un des enjeux majeurs de la réforme des retraites présentée par le gouvernement.
L'emploi des seniors est l'un des enjeux majeurs de la réforme des retraites présentée par le gouvernement.

Pierre angulaire de la sphère entrepreneuriale en Moselle, la CPME 57, présidée par Nadège Risse, regarde avec la plus grande des attentions le projet de réforme des retraites. Elle relaie sur notre territoire départemental la position de la Confédération, qui a pris une position globale sur le sujet. Son argumentaire permet de mieux comprendre plusieurs axes majeurs de cette réforme. La Première ministre, Élisabeth Borne, a confirmé le recul de l’âge de départ à la retraite porté à 64 ans en 2030 à raison de trois mois par année de naissance, ce dès le 1er septembre 2023. Ce recul de l’âge de départ est associé avec une accélération de la réforme Touraine, c’est-à-dire l’allongement du nombre d’annuités portées à 43 ans dès 2027 et non 2035, comme initialement prévu. Quant à l’âge d’annulation de la décote (67 ans), il reste inchangé. Sur ce dernier point, cela signifie, qu’à partir de 67 ans, la décote (minoration de la pension) n’est plus appliquée, même si le salarié ne remplit toujours pas les conditions ouvrant droit à la retraite à taux plein.

Travailler plus longtemps, une nécessité...

La CPME note «que les organisations patronales, en particulier la Confédération, ont été écoutées et entendues sur un certain nombre de points, ce qui a permis de construire ensemble la future réforme.» Elle «se dit satisfaite car il n’était pas envisageable de demander aux salariés de travailler au-delà de 43 ans.» Poursuivant : «Travailler plus longtemps était une nécessité pour sécuriser et équilibrer les finances du régime dans la durée. Avec la baisse de la démographie, c’est aussi une mesure sociale pour s’assurer que les générations futures auront le même niveau de pension que la génération qui part actuellement à la retraite. La réforme, telle qu’exposé par Mme Borne, vise un retour à l’équilibre dès 2030. Il est à souligner que le système français reste néanmoins plus avantageux que la majorité des pays européens, par exemple, que nos voisins allemands qui devront travailler, a minima jusqu’à 67 ans à compter de 2031.» La CPME regrette toutefois «que ne soit pas annoncée une mise à la retraite d’office à 67 ans au lieu de 70 ans, car cela peut être considéré comme un frein à l’embauche d’un senior.» La CPME se dit satisfaite «que chaque salarié participe à l’effort national demandé en partant un peu plus tardivement à la retraite, elle est favorable à ce que certains cas particuliers, tels que le handicap, l’inaptitude, l’invalidité, l’accident de travail, la maladie professionnelle, permettent de partir un peu plus tôt à la retraite. Les femmes qui souvent ont des carrières hachées n’ont pas été oubliées à l’occasion de cette réforme, par exemple avec la prise en compte du congé parental dans le dispositif carrière longue.»

Iniquité privé-public

La CPME se félicite «du maintien du dispositif «carrières longues», version améliorée permettant à ceux ayant commencé à travailler très tôt, avant 20 ans, notamment via l’apprentissage, de partir plus tôt. De même, l’approche retenue pour la prise en compte de l’usure professionnelle, combinant une approche par métier - identification par les branches - et une approche individuelle avec le suivi médical renforcé pour les métiers exposés, nous semble réaliste, comme la possibilité de mettre en place davantage d’actions de prévention à l’initiative de l’employeur via notamment la création pour la prévention d’un fonds d’investissement en coordination avec la branche AT-MP de la sécurité sociale doté d’un milliard d’euros.» La CPME se dit favorable «à l’amélioration du Compte de prévention professionnelle (C2P) tel qu’envisagé et non pas réintégration des critères de pénibilité qui avaient été supprimés.» Sur le volet des régimes spéciaux, la Confédération observe «que ce projet met fin à l’iniquité en supprimant la plupart de ces régimes pour les nouveaux entrants qui seront désormais affiliés au régime général pour la vieillesse (à l’exception des marins, de la comédie française, de l’Opéra de Paris) et en décalant de deux ans l’âge légal de départ en retraite pour ceux qui en bénéficient actuellement. Le décalage de la retraite concernera également les fonctionnaires mais sans impacter les catégories actives telles que les policiers, surveillants pénitentiaires, militaires… qui pourront partir toujours partir plus tôt.» La CPME regrette «que les modalités de calcul des pensions n’aient pas été alignées entres les salariés du privé et ceux du secteur public», argumentant «qu’elle aurait préféré une application immédiate de ces mesures sans clause du grand-père.»

Le point crucial de l'emploi des seniors

Le projet Borne comporte cet axe «qu’aucun retraité avec une carrière complète ne touchera moins de 85 % du SMIC net, avec une pension dont le montant sera indexé sur le SMIC.» La CPME «se réjouit de cette assurance d’un minimum de pension décent pour tout retraité», ajoutant «portée par notre organisation, l’accès des indépendants à la retraite minimale correspondant à 1 200 € mensuels, est une avancée notable pour un grand nombre de commerçants et d’artisans qui devraient ainsi voir améliorées les conditions de leur retraite. Cela corrigera pour partie l’injustice actuelle qui faisait peu de différence entre le minimum vieillesse - non contributif - et la retraite minimale.» Si la CPME approuve les orientations prises sur le dossier de l’emploi des seniors «il est essentiel de le promouvoir jusqu’à leur départ en retraite.» Elle indique «sa satisfaction de l’assouplissement de la retraite progressive ainsi que la simplification du cumul emploi-retraite, créateur de droits, propositions qu’elle portait à cette fin.» En revanche, elle dit sa déception «que sa proposition consistant à diminuer les charges patronales des salariés les plus âgés pour favoriser leur maintien dans l’emploi, n’ait pas été retenue. Tout comme la systématisation des aides pour le recrutement des seniors.» Enfin, quant à l’«index senior», applicable dès 2023-2024, avec sanction en cas de non publication, la CPME se réjouit «que le réalisme l’ait finalement emporté et que cet index ne s’applique pas aux entreprises de moins de 300 salariés.» Quant à l’obligation de négocier sur l’emploi des seniors, elle estime «que cela peut avoir son utilité afin que le débat soit ouvert et que l’absence d’accord ne doit pas être sanctionnable.» On le voit, quant à une réforme centrale dans note modèle sociétal et qui compte pléthore de paramètres, ce qui en rend la lisibilité complexe, de la pédagogie et du bon sens sont essentiels. Sans doute, bien plus que des positions dogmatiques des uns et des autres. En somme, du dialogue plutôt que de l'affrontement. L'apaisement pour avancer collectivement... Pas toujours une spécialité française... C’était en 1991. Le Premier ministre d'alors, feu Michel Rocard, n'hésitait pas à déclarer à propos de la nécessité de réformer le système des retraites : «Il y a de quoi faire tomber cinq ou six gouvernements dans les prochaines années.» La même année, le patron de la «deuxième gauche» publiait un Livre blanc sur les retraites dans lequel il mettait en garde les gouvernements à venir: «Je le dis avec une tranquille assurance, ceux qui, pour des gains politiques à courte vue, croiraient flatter l'opinion en niant le problème, programmeraient sûrement une guerre des générations.» 32 ans après, nous en sommes là. Au pied de la montagne.

La CPME déplore que sa proposition de «retraite additionnelle volontaire, sur le modèle de ce qui existe dans la fonction publique, permettant à chacun d'être incité à capitaliser en vue de sa propre retraite, ne soit pas mentionné dans le projet gouvernemental.»