Entreprises

Où en est l'élan de la micro-entreprise en Moselle ?

La crise sanitaire qui a impacté l’activité économique mosellane n’a pas empêché l’an passé un nombre record de créations d’entreprises, plus de 10 000. Les micro-entreprises pèsent désormais pas loin de sept créations sur dix dans le département. Où en est leur dynamique en ce début d’automne ? Quelles perspectives ? Quelles réalités économiques ? Décryptage d'un statut encore mal connu et véhiculant souvent une image erronée.

Une micro-entreprise sur quatre créée par une femme est active économiquement cinq ans après son immatriculation, contre une sur cinq quand le créateur est un homme.
Une micro-entreprise sur quatre créée par une femme est active économiquement cinq ans après son immatriculation, contre une sur cinq quand le créateur est un homme.

L’an passé, 6 936 micro-entreprises nouvelles ont vu le jour en Moselle, portant leur total à 23 095 dans le département, soit 4,28 % de la population active. C’est un record. Pensez qu’il y a 10 ans, cette donnée était de 3 940 créations. En 2019, juste avant la pandémie, de 4 203. Mis en place le 1er janvier 2009, le régime de l’auto-entrepreneuriat, devenu depuis micro-entrepreneuriat, a rapidement séduit des milliers de Mosellans désireux de s’installer à leur compte ou de dégager des revenus complémentaires à leur activité salariée. Entre 2010 et 2017, la moyenne annuelle des micro-entreprises avoisinait les 3 500 unités. Un chiffre qui va progresser à compter de 2018, année marquée par le doublement des plafonds de chiffres d’affaires autorisés ou la possibilité, sous conditions de percevoir des indemnités chômage en cas de cessation d’activité.

Une sociologie de créateurs bien identifiée

Si elle a impacté l’activité et les revenus des micro-entrepreneurs dans le département, la crise sanitaire qui a surgi en 2020 n’a donc pas ralenti le nombre de créations : 5 031 en 2020 et 6 936 l’an passé. Si l’on compare les données de l’Insee de janvier à août, on note que le cru 2022 marque une stagnation dans les créations de micro-entreprises. En 2021, elles étaient sur les huit premiers mois, de 4 616, contre 4 615 pour 2022. Selon une étude de l’organisme statistiques, la pérennité à cinq ans des micro-entreprises créées en 2014 étaient de 33 % en 2019, contre 53 % pour les entreprises individuelles hors statut de micro-entrepreneur. L’âge et le sexe des créateurs conditionnent la continuité des micro-entreprises. 29 % des micro-entrepreneurs de plus 50 ans étaient toujours actifs après leur immatriculation contre 16 % des moins de 30 ans. Une micro-entreprise sur quatre créée par une femme est active économiquement cinq ans après son immatriculation, contre une sur cinq quand le créateur est un homme. Un constat qui s’explique en partie par la plus forte présence de femmes à la tête de micro-entreprises exerçant dans des secteurs favorisant la pérennité de leur activité, comme ceux de la santé humaine et de l’action sociale. La crise sanitaire a eu une répercussion immédiate sur la situation des micro-entreprises en Moselle. De février 2020 à 499 à 338 - mois du premiers confinement - puis à 167 en avril 2020. Mais très rapidement, en dépit d’un contexte incertain, les créations de micro-entreprises ont connu un net regain. Avec un tiercé de mois records : mars 2021 (674), octobre 2021 (676) et mars 2022 (675).

Loin d'être le Pérou pécunier...

La mise à l’arrêt de l’économie hexagonale a mené à une baisse conséquente du chiffre d’affaires des micro-entrepreneurs. Au premier trimestre 2020, il avait reculé de 12 % par rapport au premier trimestre 2019, avant de connaître une chute plus importante, 30 %, au seconde trimestre 2020. Les secteurs les plus touchés étaient ceux de l’hébergement et de la restauration, des arts, spectacles et activités créatives, du transport et de l’entreposage. Les activités liées à l’industrie et au commerce limitaient les dégâts. Dans le cadre de l’Observatoire de l’auto-entrepreneuriat, cinq micro-entrepreneurs sur dix disaient que la crise sanitaire avait eu un impact économique très conséquent sur leur activité. Malgré cette conjoncture difficile, le département a donc vu le nombre de créations s’envoler. En cette rentrée 2022, la courbe est toujours orientée sur une moyenne haute. Une étude nationale parue en janvier 2021 dressait le portrait économique des micro-entrepreneurs. Avant la Covid-19, 29,9 % réalisaient un chiffre d’affaires inférieur à 5 000 € annuels, 13,4 % entre 5 000 € et 10 000 €, 20,9 % entre 10 000 € et 20 000 €. 14,9 % entre 20 000 € et 30 000 € et 20,9 € plus de 30 000 €. C’est le revenu mensuel moyen 2019 qui montrait l’envers du décor, celui d’une certaine précarité. Une étude de l’Insee publiée au printemps dernier le déterminait : 560 €. Pour celles et ceux cumulant plusieurs activités, comme micro-entrepreneur et salarié, le revenu mensuel moyen tiré de la micro-entreprise était de 370 € (leur revenu total mensuel cumulé était de 2 280 €). Les micro-entrepreneurs ne tirant pas de ressources d’autres activités percevaient pour leur part en moyenne 680 € par mois. Avec quelles variantes : 380 € dans l’industrie, 390 € dans le transport et l’entreposage, 440 € dans le commerce et l’artisanat commercial, 500 € dans les services aux particuliers hors santé, 620 € dans la santé humaine et l’action sociale, 730 € dans les services aux entreprises, 820 € dans la construction.

La micro-entreprise, refuse des «grands démissionnaires» ?

On l’a vu, la crise sanitaire a accéléré chez beaucoup de salariés, l’envie de voler de leurs propres ailes. La «grande démission» a percuté le modèle économique américain : de l’autre côté de l’Atlantique, près de 50 millions de salariés ont quitté volontairement leur emploi. En France, 470 000 salariés en CDI ont déposé leur démission lors du premier trimestre 2022. Le fort rebond économique qui a suivi la crise sanitaire a mis sous tension le marché de l’emploi, ouvrant des opportunités à des salariés en quête d’une nouvelle orientation professionnelle ou de meilleures conditions salariales. C’est un fait : la pandémie, ses confinements, le télétravail ont modifié en profondeur le rapport à l’entreprise et créé de fortes aspirations à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Quelle est dans ces démissionnaires, la part de nouveaux ou futurs micro-entrepreneurs ? Il y a fort à parier - la progression constante du nombre de micro-entrepreneurs semble le confirmer - qu’une partie non négligeable d’entre eux franchiront le Rubicon afin de gagner liberté et autonomie, en s’affranchissant d’un environnement professionnel qu’ils ne désirent plus. Il est encore tôt pour mesurer l’ampleur de cette vague. Mais, elle bouleverse déjà le monde de l’entreprise en Moselle...