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Le Groupement d'Employeurs en Nord Moselle va cesser ses activités

Lancé il y a maintenant plus de deux décennies, le Groupement d’Employeurs en Nord Moselle va cesser des activités à court terme. Son président, Michel Donny, ne cache pas son amertume, mais veut toujours croire en un dispositif pérenne mettant le temps partagé au centre des évolutions du monde du travail. Explications sur cet arrêt d’un outil qui avait fait ses preuves sur le territoire mosellan.

Dans de nombreux secteurs professionnels, le temps partagé est une réelle solution pour entreprises et salariés.
Dans de nombreux secteurs professionnels, le temps partagé est une réelle solution pour entreprises et salariés.

«C’est la fin d’une belle aventure, au final nous n’aurons pas été assez connus et reconnus. J’assume les responsabilités de ce qui advient en ce printemps et de ce qui suivra», dit Michel Donny, que l’on devine sincèrement touché. L’homme, à la longue expérience entrepreneuriale et au dense réseau, a le cuir épais, animé de solides convictions, pas du genre à fuir face à l'obstacle. Mais tout de même. Le coup est rude quand on s’investit sans compter au développement économique de son territoire et qu'un faisceau défavorable vous stoppe net. Un concours de circonstances entremêlées, de facteurs mêlant l’économique et les relations humaines, mènent au final le Groupement d’Employeurs en Nord Moselle, a cesser sous peu ses activités. Définitivement.

Deux décennies au service du territoire

On en rappellera la genèse. Le Genom s’inscrit dans l’apparition en 1995, puis l’essor, du travail à temps partagé en France avec la création des groupements d’employeurs. 27 ans plus tard, quelque 800 entités de ce type embauchent plus de 15 000 salariés, dont près de 13 000 en équivalent temps plein, pour 75 % d'emplois à temps complet et 70 % des salariés en CDI. En Moselle, le Genom se lance en 2000. Association sans but lucratif, régie par le code du travail, il part d’un process simple : répondre à toutes les entreprises, associations ou structures publiques adhérentes qui ont des besoins en compétences, à temps complets, partiels ou saisonniers récurrents. Le Genom recrute des salarié(e)s pour les mettre à disposition de ses adhérents en partageant leur temps de travail et transformant ainsi des emplois précaires en emplois permanents, emplois qui n’auraient jamais existé sans ce cumul de besoins partiels identifiés. Ces organisations peuvent ainsi employer des compétences qu'elles ne pourraient recruter seules et disposer d'un personnel stable, fidélisé et formé, à un coût raisonnable. Voilà pour le cœur de l’action du Genom.

L'espoir avant la désillusion.

Malgré des hauts et des bas inhérents à ce type de structure, au fil du temps, l’entité mosellane s’est installée, dans sa spécificité, dans le paysage économique local. Michel Donny en a pris la présidence en 2017. Autant le travail partagé que les groupements d’employeurs gagnent à une meilleure reconnaissance. Cela a été l’important travail de communication et de promotion fait par l’équipe mosellane ces derniers mois. En décembre dernier, Michel Donny s’est rendu, avec une délégation, au ministère du Travail de l’Emploi et de l’Insertion. La volonté de la ministre Élisabeth Borne allait dans le sens des groupements d’employeurs : donner à ceux-ci toute leur place dans les mutations actuelles et à venir du monde du travail, et en faire un rouage essentiel en la matière. Le Genom mosellan voyait là s’entrouvrir les portes d’une reconnaissance d’un patient travail de réseau développé depuis plus de 20 ans, et surtout la pérennisation de son action. Un appel à manifestation d’intérêt (AMI) était lancé nationalement, décliné à l'échelle de la région Grand Est, pour retenir les projets les plus pertinents et crédibles dans les territoires. Avec des potentialités de développement importants à la clé. À cet instant précis, Michel Donny avait tous les espoirs : «Nous avons rempli toutes les cases à cocher quant au cahier des charges, répondu à toutes les exigences. Nous étions dans les clous...». Pourtant, le dossier du Genom mosellan est rejeté parmi les 229 déposés. Sans qu’aujourd’hui son président n’en ait eu de claires explications, sans que même lui puisse en avancer les raisons.

Des conséquences humaines

Dès lors, Michel Donny s’est senti «lâché de toute part.» Les vents contraires se sont alors enchaînés durant les premières semaines de cette année 2022, jusqu’à à arriver à l’inéluctable. Sans vouloir inutilement polémiquer, l’intéressé ne cache pas que la route du Genom est désormais dans l’impasse, quant à son projet et ses finances, les deux étant indissociables : «J'entends le Genom, c'est génial. Et alors ? Où sont mes vrais soutiens concrets ? Je les attends depuis des mois.» La décision a été donc prise de cesser ses activités. Au-delà de sa déception personnelle, Michel Donny entend mettre toute son énergie dans le reclassement de ses salariés : «Il se sont investis. J’essaie de leur trouver des solutions. Ce n’est pas simple, car un temps partagé, c’en est plusieurs en fait, pour que la personne puisse vivre simplement. On utilisera aussi des ruptures conventionnelles.» Il ajoute : «Je pense aussi à nos 75 adhérents, à notre trentaine de TPE-PME qui faisaient appel à nos services pour leurs besoins en personnel.»

Après le Genom ?

Clairement, la dissolution du Genom actée sous peu, un vide se créera. Michel Donny reste persuadé de son modèle : «Le temps partagé répond aux besoins de nombreuses entreprises et de salariés.» En effet, l’effet Covid-19 aura été un révélateur dans cette propension à beaucoup à vouloir travailler autrement. Michel Donny s’interroge : «Le Genom disparu, les attentes en matière de temps de travail partagé existeront toujours. Dans un an, deux ans, on va recréer un nouveau Genom ? Pourquoi pas ? Mais que de temps gâché !» Sur cet avenir, lui-même serait-il partant ? Il ne dit pas définitivement non «à condition de garder la même philosophie humaine.» Après avoir traversé la crise de la Covid-19, le Genom siffle donc la fin de la partie. Sans doute plus qu’un paradoxe que de voir disparaître un outil de proximité au service de l’emploi de son territoire quand la question de l’emploi justement dans notre pays reste prégnante…. Plus que de l'illogisme...