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La micro-entreprise mosellane surfe sur une vague créatrice de forte ampleur

Depuis son lancement en 2009, le statut de la micro-entreprise a bouleversé l’écosystème de la création d’entreprise. La Moselle n’échappe pas au phénomène. Quelle sera l’année 2023 de la micro-entreprise dans le département dans un contexte socio-économique incertain ? Éléments de réponse.

La micro-entreprise en Moselle : le reflet des chemins professionnels de femmes et d'hommes volant de leurs propres ailes.
La micro-entreprise en Moselle : le reflet des chemins professionnels de femmes et d'hommes volant de leurs propres ailes.

Qui aurait pu croire qu’un simple article de la loi de modernisation sociale de l’économie (LME), votée en août 2008, aurait eu un tel effet sur le monde du travail et sur l’entrepreneuriat en particulier ? La création du régime de l’auto-entrepreneur, devenu micro-entrepreneur, dont la mise en œuvre date de janvier 2009, a en effet rencontré un succès qui est allé croissant, et qui finalement, 15 ans après, ne se dément pas. Dès la première année, près de 360 000 personnes en France s’étaient affiliées, attirées par la simplicité de la procédure. Aujourd’hui, plus de 2 millions travaillent sous ce régime. Pourquoi un tel engouement ? Sans doute la simplicité des démarches administratives. Également le fait que l’on ne paie pas de taxes ni de cotisations tant que l’on ne gagne rien.

Le visage du micro-entrepreneur

C’est un fait : la hantise des indépendants, c’est le décalage dans le temps entre leur niveau de revenus et leur niveau de cotisations. Tout cela n’existe pas avec le régime d’autoliquidation des micro-entreprises. La seule année où le nombre de micro-entreprises a connu un recul significatif a correspondu à celle de l’entrée en vigueur de la loi Pinel, en 2015, qui introduisait un stage obligatoire avant installation. Une obligation levée dans le cadre de la loi Pacte. Le micro-entrepreneur fait partie de la famille des travailleurs indépendants, aux côtés des artisans commerçants et des professions libérales. Ces trois catégories correspondent à trois statuts bien distincts. Le micro-entrepreneur peut exercer une activité d’artisan ou de commerçant ou évoluer en libéral. Les données récentes de l’Urssaf Lorraine de ce phénomène de croissance continue de la micro-entreprise. Pour la Moselle, en décembre 2021, les personnes travaillant sous ce statut étaient de 90 810. On les appellera actifs administrativement. Celles étant actives économiquement - dégageant un chiffre d’affaires - étaient de 51 120. Soit un taux de 56 % du global micro-entreprise. Dans la norme hexagonale. La population des micro-entreprises est éclectique. On y trouve à la fois de jeunes créateurs diplômés voulant lancer une entreprise en testant à moindre coût leur idée, des salariés ayant une activité de complément et qui n’auraient jamais créé d’entreprise sans ce régime, des retraités souhaitant augmenter leur revenu, des demandeurs d’emploi voulant créer leur propre job faute d’en trouver un comme salarié.

Les réalités du micro-entrepreneuriat

De l’entrepreneuriat choisi à l’entrepreneuriat contraint, le visage de la micro-entreprise mosellane est multiple. Derrière l’enthousiasme de certains créateurs d’entreprise, il y a ceux qui s’engouffrent dans le micro-entrepreneuriat faut de mieux. Quand le régime a été lancé en 2019, c’était déjà pour faire face à la crise. Depuis, on ne peut pas dire - doux euphémisme - que les choses se sont arrangées. Certains observateurs de la vie économique émettent cet avis : c’est aussi le signe d’un pays qui ne se porte pas très bien, où il est plus difficile d’embaucher en CDI et où des formes d’emploi pas toujours voulues apparaissent. C’est l’autre réalité du micro-entrepreneuriat qui se dévoile. Celle que peu avait imaginé il y a dix ans : la tendance à une certaine uberisation, poussant, souvent à des formes de précarisation. Celle des chauffeurs VTC, des livreurs à vélo, des bricoleurs en tout genre, des réparateurs d’ordinateur. L’Urssaf Lorraine livre quelques statistiques sur la montée en puissance de la création de micro-entreprise en Moselle. De janvier à juin 2022, 4 070 ont été immatriculées. Au 30 septembre de la même année, elles étaient 5 820. Il faudra mesurer l’ampleur sur l’année complète quand les chiffres auront été affinés. Une chose est certaine, la création de micro-entreprises aura battu encore un record l’an passé. Entre les données de l’Urssaf et celles de l’Insee, la barre des 10 000 créations ne sera pas bien loin. L’Insee révélait dans une étude statistiques que les micro-entreprises créées en 2014 avaient un taux de pérennité à cinq ans de 33 % en 2019. Il sera intéressant et instructif de jauger de la même mesure pour celles nées durant la crise de la Covid-19, portées par l’envie de beaucoup de salariés de voler de leurs propres ailes. Nouvelles orientations professionnelles, meilleures conditions de travail et salariales, recherche de quête de sens : le trio de motivation chez beaucoup de collaborateurs d’entreprise étant partis vers le micro-entrepreneuriat. Que seront devenues, passé l’élan créateur, ces personnes à court terme ? Le revenu mensuel moyen d’un micro-entrepreneur était en 2019 de 560 €. Pour celles et ceux cumulant plusieurs activités, comme micro-entrepreneur et salarié, le revenu mensuel moyen de la micro-entreprise était de 370 € (pour un revenu global mensuel moyen de 2 280 €). Les micro-entrepreneurs ne dégageant aucune autres ressources d’autres activités percevaient pour leur part en moyenne 680 € par mois, avec des variabilités selon les secteurs et activités.

2023, miroir sociétal ?

Quelle sera la micro-entreprise en 2023 en Moselle ? Elle continuera sans doute sur cette vague, qui montre une mutation de l’entrepreunariat. Dans quelles proportions ? Par-delà le contexte socio-économique qui restera décisif, un autre vecteur est à prendre en compte, celui des évolutions sociétales. Le Green Business est en marche : camion à pizza, friterie ambulante, sandwicherie, cuisine à domicile, consultant en arts culinaires, coach en cuisine… Nombre de micro-entreprises locales aspirent au bio et surtout au végan dans les assiettes. Par ailleurs, on note que les micro-entreprises les plus actives économiquement se situent dans des activités liées aux services aux personnes et aux entreprises, immobilières, la coiffure et les soins du corps, l’hébergement et les activités juridiques, quand les activités de livraison à domicile, de construction, de commerce de détail ou sur les marchés, de réparation auto, financières évoluent plus lentement. Plus rien ne sera comme avant ? Ce serait aller vite en besogne que de l’affirmer. N’empêche, la micro-entreprise épouse les évolutions de notre temps, les mutations de notre vivre ensemble et des modes de consommation. C’est ici plus qu’un simple changement de paradigme. Une révolution économique, pas tout à fait silencieuse…

«Entre entrepreneuriat choisi et entrepreneuriat contraint, la réalité de la micro-entreprise en Moselle dépeint celles de femmes et d'hommes, de leurs trajectoires professionnelles, de leurs histoires personnelles.»