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L’État commence à demander le reversement de trop-perçus de chômage partiel

Le «quoi qu’il en coûte» présidentiel du printemps 2020 s’était notamment traduit par un interventionnisme économique jamais vu depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En particulier, le recours au chômage partiel, jusqu’alors timide, a été massivement utilisé. Toutefois, l’État a commencé à contrôler les entreprises ayant bénéficié de cette aide, et de plus en plus d’entreprises se voient aujourd’hui contraintes de rembourser des «trop-perçus». Explications.

Les conditions du placement en activité partielle

Le régime juridique du chômage partiel, passablement modifié lors des débuts de la crise sanitaire, prévoit, notamment, que c’est l’employeur qui place ses salariés en activité partielle, en cas de fermeture temporaire de leur établissement. Précurseur, l’article R. 5122-1 du Code du travail, n’ayant pas été modifié, précise que cette fermeture peut survenir en raison de toute «circonstance de caractère exceptionnel.»

L’employeur adresse sa demande au préfet du département, accompagnée de la liste des pièces exigées par l’article R. 5122-2 du Code du travail, dans les 30 jours à compter du placement de ses salariés en activité partielle. L’autorisation est implicitement accordée en l’absence de réponse du préfet dans les 15 jours de la réception de la demande. Elle peut être renouvelée dans les conditions précisées à l’article R. 5122-9 du Code du travail. Si la demande est accordée, l’article L. 5122-1 dispose que : «l'employeur perçoit une allocation financée conjointement par l'État et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage.» Pour percevoir effectivement cette allocation, l’employeur doit adresser sa demande d’indemnisation à l’Agence de service et de paiement (ASP).

Le contrôle par l’inspection du travail

Ce sont les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) qui sont chargées, pour les préfets, de contrôler que les entreprises qui obtiennent des allocations de chômage partiel remplissent bien les conditions nécessaires pour en bénéficier. En outre, depuis la fin de l’année 2020, le ministère du Travail a lancé un vaste «plan national de contrôle.»

Ces contrôles, qui ont notamment pour but de «débusquer» les emplois fictifs, le travail dissimulé ou encore, le gonflement «artificiel» des salaires, se déroulent généralement à distance. Les agents de l’inspection du travail demandent simplement à l’employeur de leur envoyer des justificatifs. Ces contrôles informatiques sont facilités par les dispositions de l’article R. 5122-20 du Code du travail qui prévoient que : «l'Agence de services et de paiement est autorisée à mettre en œuvre un traitement automatisé des données à caractère personnel contenues dans les demandes préalables d'autorisation de placement en position d'activité partielle et les demandes d'indemnisation en application des articles R. 5122-2 et R. 5122-5.»

Ainsi, dans le cadre de son contrôle, l’inspection du travail vérifiera que les salariés étaient bien placés dans les conditions leur permettant de bénéficier du dispositif de chômage partiel. Ce sera à l’organisme d’apporter la preuve du contraire, et non à l’employeur de prouver que ses salariés n’ont pas travaillé.

La demande de remboursement du trop-perçu

À l’issue du contrôle, au regard des pièces communiquées (souvent par mail), l’inspection du travail peut, sur la base des dispositions de l’article R. 5122-10 du Code du travail, demander à l’employeur le reversement des aides qu’il n’aurait pas dû recevoir.

Toutefois, avant d’émettre un ordre de reversement, l’organisme doit d’abord, en vertu des dispositions du Code des relations entre le public et l’administration, mettre l’employeur en mesure de formuler des observations. Cette formalité est substantielle. Son absence vicie la procédure et entache de nullité la demande de remboursement.

De plus, en tout état de cause, le Code du travail précise que «le remboursement peut ne pas être exigé, s'il est incompatible avec la situation économique et financière de l'entreprise.» Là encore, il appartiendra à l’employeur, dans le cadre de la procédure contradictoire, de mettre en avant ses éventuelles difficultés financières, afin de tenter de convaincre l’administration de ne pas exiger le remboursement de l’aide.

En dernier recours, si la demande de remboursement est tout de même prononcée, une requête pourra être introduite devant le Tribunal administratif à son encontre et à l’encontre des titres de perception correspondants. Conformément aux dispositions de l’article 117 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, la contestation d’un titre de perception a pour effet de suspendre le recouvrement de la créance.

Nicolas TAQUET, avocat