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Entrepreneuriat dans les territoires ruraux mosellans : le grand enjeu de l’égalité femmes-hommes

Plusieurs travaux récents mettent en lumière un constat sociétal préoccupant. Le chômage des jeunes femmes est deux fois plus élevé que celui des hommes en milieu rural. Pour elles aussi, davantage de situations de pauvreté et une insertion plus fragile et plus tardive. C’est également plus compliqué d’accéder à l’entrepreneuriat pour une femme résidant en campagne. Un appel à manifestation d’intérêt en faveur de l’égalité des femmes et des hommes dans les territoires ruraux se décline à l’échelle de la Moselle.

L'accès à l'entrepreneuriat des femmes rurales ; un défi majeur.
L'accès à l'entrepreneuriat des femmes rurales ; un défi majeur.

Si la part des quelque un million de Mosellans habitant une commune rurale autonome parmi les 725 localités que compte le département, est faible, de l’ordre de 10 %, il n’empêche, ces ruraux connaissent des problématiques similaires à ceux d’autres territoires. C’est tout particulièrement le cas dans l’accès à l’emploi et à l’entrepreneuriat. Les soucis liés à la mobilité, les coupures de réseaux de télécommunication, le manque d’informations et d’aides pour monter son entreprise, la solitude, les préjugés…

Ce sont les difficultés que rencontrent les potentielles cheffes d’entreprise en milieu rural. Qu’elles soient installées dans de petites villes, dans un bourg, dans un village, elles ont besoin de démarcher et de prospecter encore plus que celles des grandes villes afin de vivre de leur métier. Dans ces campagnes, on trouve, néanmoins, d’authentiques réseaux d’entraide et de soutien pour rebondir dans leur quotidien.

Le travail de délégation sénatoriale des droits des femmes

C’est un peu le même paysage pour les demandeuses d’emploi. Si le marché du travail dans les territoires ruraux est en mutation, avec une croissance du tertiaire et des postes peu qualifiées, pouvant laisser croire qu’il laisse plus de place aux femmes non diplômées, ce n’est pas le cas. Leur insertion reste plus compliquée, face à une concurrence des hommes ruraux à poste égal et des urbains, ou encore en raison de dépendance financière dans le couple. L’an passé, un rapport sénatorial s'est fait jour, intitulé : «Femmes et ruralité, en finir avec les zones blanches de l’égalité». Explicite. Ce fut le point de départ du rapport de la délégation aux droits des femmes du palais du Luxembourg.

Ladite délégation avait constaté qu’aucune des 181 mesures de l’Agenda rural du gouvernement, adopté à l’automne 2019, et qui était la pierre angulaire de la politique gouvernementale en faveur des territoires ruraux, ne mentionnait l’égalité femmes-hommes, ni aucune problématique spécifique aux femmes. À partir de ce postulat, la délégation aux droits des femmes du Sénat a travaillé pendant dix mois, de façon transpartisane, pour dresser un tour d’horizon de la situation des femmes dans les territoires ruraux, autour de huit thématiques : mobilité et articulation des temps de vie, jeunesse et orientation scolaire, emploi et insertion professionnelle, métier d’agricultrice, entrepreneuriat, santé et accès aux soins, lutte contre les violences conjugales et engagement politique.

Comme une prise de conscience...

Au-delà d’un panorama des obstacles et freins rencontrés par les femmes rurales, la délégation avait souhaité surtout se faire l’écho de bonnes pratiques et initiatives locales innovantes qui pourraient être dupliquées à l'échelle des territoires. Elle formulait ainsi 70 recommandations visant à mieux articuler égalité femmes-hommes et égalité territoriale, et à renforcer l’autonomie et l’intégration sociales, professionnelles et politiques des femmes. Un cycle d’auditions et de tables rondes a été conduit sur ces différentes thématiques entre janvier et juin 2021, au Sénat et dans les territoires. Le rapport de la délégation a été publié à l’occasion de la Journée internationale des femmes rurales, le 15 octobre dernier.

Dans le prolongement du rapport de la délégation, cette proposition de résolution alerte sur la situation des 11 millions de femmes vivant dans les territoires ruraux et qui font face à un cumul des inégalités de genre et des inégalités territoriales : déficit de mobilité individuelle comme collective, opportunités professionnelles plus limitées, emplois souvent précaires, difficultés d’accès aux services publics, renoncement aux soins face à des déserts gynécologiques et médicaux, isolement face aux violences conjugales… L’ambition était bien décrite : que les femmes ne soient plus les oubliées des politiques territoriales et qu’égalité femmes-hommes et égalité territoriale soient enfin articulées, pour progresser de concert et en finir avec les zones blanches de l’égalité sur notre territoire national.

Le lancement des AMI ruraux

Pour répondre à l’ensemble de ces problématiques, le comité interministériel aux ruralités (CIR) avait annoncé en septembre 2021 le lancement de plusieurs appels à manifestation d’intérêt pour soutenir des associations mettant en œuvre des projets agissant en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les territoires ruraux, et en particulier de l’accès aux droits. Le Gouvernement avait choisi de mobiliser 1,5 M€ sur la période 2021-2022 sur cette problématique particulière. En octobre 2021, huit projets avaient été sélectionnés pour la première année d’application du dispositif, pour un montant total de subventions de 500 000 €, en soutien à des initiatives telles que la mise en place de permanences de professionnels en milieu rural, d’actions de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes ou de l’accès à l’emploi. En mars dernier, un second appel à manifestation d’intérêt a été lancé par le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, en partenariat avec le ministère délégué à l’Égalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l’Égalité des chances.

Des combats à mener, toujours...

Le pilotage opérationnel est assuré par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et le Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Doté au niveau national de 1 M€, l’appel à manifestation d’intérêt favorisera en 2022 prioritairement les dispositifs et les actions d’aller-vers dans les territoires ruraux sur l’accès aux droits des femmes, la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes, l’autonomie économique et l’insertion professionnelle des femmes. Les actions proposées bénéficieront aux territoires ruraux, identifiés à partir de la grille communale de densité, soit les communes peu et très peu denses. Les projets devront parvenir aux directions régionales aux droits des femmes et de l’égalité avant le 6 mai prochain. Les dossiers sélectionnés au final le seront d’ici le 20 mai. On le voit, c’est un long cheminement quant à cette égalité femmes-hommes. Tant de progrès ont été réalisés en la matière. Mais, de nombreuses luttes restent à mener… et à gagner.

Pour aller plus loin : 
drdfe@grand-est.gouv.fr
ddets-droits-des-femmes@moselle.gouv.fr