Entreprises

En Moselle, la situation préoccupante des chefs d’entreprise «au chômage»

En 2022, 425 chefs d’entreprise ont perdu leur activité professionnelle en Moselle, selon l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs de l’association GSC et de la société Altares. Un chiffre en hausse de 11,8 % par rapport à 2021. Soit 50 femmes et hommes touchés de plus en douze mois. Décryptage d'un phénomène rarement mis en avant. La Gazette Moselle s'est penchée sur ces femmes et hommes qui perdent du jour au lendemain leur activité professionnelle, souvent l'engagement de leur vie. Dès lors, quel rebond, notamment pour les dirigeants seniors ? À mettre en perspective avec l'actuelle question des retraites...


Les dirigeants seniors sont les plus exposés à la perte d'emploi.
Les dirigeants seniors sont les plus exposés à la perte d'emploi.

En France, 38 670 chefs d’entreprise ont perdu leur activité professionnelle en 2022. Une hausse de 34,1 % par rapport à 2021. Les données de l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs de l’association GSC et de la société Altares mettent ces jours derniers la lumière sur ces 9 800 femmes et hommes de plus sur un an «au chômage». La tendance haussière s’observe aussi en Grand Est où 2 816 entrepreneurs ont été touchés (+ 29,7 % en un an). En Moselle, ce sont 425 individus qui ont été frappés (+11,8 %). Par rapport à ses voisins régionaux, notre département arrive second en termes d’individus, derrière le Bas-Rhin (594). Paradoxalement, l’augmentation mosellane n’est que la 9e et avant-dernière des 10 départements du Grand Est. Loin des records de la Meuse (+ 61,2 %), de la Haute-Marne (+ 68,1 %), des Vosges (+ 77,7 %). C’est aussi nettement moins qu’en Meurthe-et-Moselle (+ 49,8 %).

Les crises permanentes...

Après trois années marquées par les crises, les difficultés multiples et les adaptabilités compliquées (remboursement des dettes, Covid-19 et PGE, hausse des taux, inflation, augmentation des prix de l’énergie, flambée des tarifs des matériaux avec en corollaire des pénuries, contexte social tendu, incertitudes économiques…) sont venues accentuer les fragilités des trésoreries et ont placé nombre de chefs d’entreprises dans des situations délicates, voire inextricables. Anthony Streicher, président de l’association GSC analyse la panorama présent : «Chaque jour, près de huit chefs d’entreprise perdent leur emploi en Grand-Est. Les chiffres de 2022 nous alertent sur une réalité que nous connaissions déjà. Les entrepreneurs doivent faire face à un contexte économique particulièrement difficile dans lequel les fragilités se multiplient et s’alimentent. Les pénuries de main-d'œuvre et la majoration des coûts énergétiques compliquent les défis auxquels ils devaient faire face. Alors que les tensions sur la trésorerie se font déjà sentir, la reprise des procédures d’assignation de l’Urssaf en 2023 pourrait encore accélérer la remontée des défaillances déjà observée en 2022.»

Le lourd tribut des dirigeants seniors

L’âge médian des entrepreneurs impactés se rapproche de celui d’avant la pandémie et s’établit à 46,3 ans. La catégorie des seniors demeure très exposée. Plus d’un tiers des dirigeants (36,8 %) ont plus de 51 ans. Survient la question du rebond professionnel : elle est majeure pour cette population expérimentée. Curieuse similitude avec les débats du moment quant aux retraites où l’on semble patiner allégrement sur l’emploi des seniors… Anthony Streicher poursuit : «Ces signaux qui laissent présager un retour au niveaux d’avant-crise dès 2023, doivent nous amener à réfléchir collectivement à l’avenir que nous souhaitons proposer à ces femmes et ces hommes. Près de deux entrepreneurs sur trois n’ont pas anticipé une éventuelle perte d’emploi. Chacun doit être libre de sécuriser ou non son parcours professionnels, mais ayons conscience qu’il s’agit collectivement de la capacité de reprise de la France.» À l’échelon du Grand Est, les entrepreneurs à la tête de structures de moins de trois salariés représentent près de huit pertes d’emploi sur dix en 2022. La masse salariale pèse lourd pour ces entreprises, auxquelles s'ajoutent toutes les difficultés économiques conjoncturelles. On le mesure dans nombre d’études : avec le contexte inflationniste, les comportements des consommateurs évoluent. Ce qui induit de fortes conséquences sur les chefs d’entreprise exerçant des activités en lien direct avec ces consommateurs. En Grand Est, le secteur du commerce est le plus fragilisé avec 700 entrepreneurs ayant perdu leur emploi l’an passé. 432 exerçaient dans le commerce de détail. Le secteur de l’hébergement, de la restauration et des débits de boisson voient lui 418 pertes d’emploi. Soit + 81 % par rapport à 2021. Malgré des carnets de commandes remplis, les entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics ne sont pas épargnés. Les difficultés d’approvisionnement, les coûts des matières premières, la pénurie de main-d’œuvre ont eu raison de la meilleure volonté du monde, inopérante face à des situations souvent dramatiques : 647 chefs d’entreprise ont là baissé rideau. Quant au secteur de l’industrie, il aura vu 258 dirigeants touchés (+ 45 %). Aucune activité ne semble ici sortir de cette tendance négative : transports et logistique (+ 20,5 %), services aux particuliers (+ 43 %), activités d’assurance et financières (+ 35,3 %).

Les petites entreprises en danger

Les gérants de TPE, avec un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 € et des effectifs de moins de trois salariés, résistent plus difficilement aux aléas économiques. Cela est concomitant avec la remontée des défaillances d’entreprises depuis le début d’année. Gérants de SARL et SAS, comme les artisans sont également dans cet œil du cyclone. Dès lors, que seront les mois à venir ? Point de boule de cristal ou de marc de café pour esquisser l’avenir. Frédéric Barth conclut : «Crise sanitaire, géopolitique, énergétique, climatique… Les secousses s'enchaînent. Pourtant, l’économie fait encore preuve d’une surprenante résistance, au point que la menace d’une récession un temps redoutée semble s’éloigner. Les indices sont meilleurs qu’attendus en ce début d’année mais les dirigeants d’entreprises vont devoir composer avec des risques encore bien présents. Parmi ceux-là, la défaillance de leurs partenaires commerciaux voire de leur propre entreprise. En effet, tombées à un plus bas de plus de trente ans en 2021, les cessations de paiements s’envolent désormais chez les TPE mais aussi les PME fragilisées par cette «permacrise» qui s’est invitée au fil des mois. 9 300 entreprises sont déjà tombées en faillite en janvier-février 2023, c’est un millier de plus que début 2020 avant que la pandémie ne paralyse l’économie.»

. Méthodologie : les données sont issues de l’analyse des entreprises, hors sociétés civiles et associations, placées directement, par conversion ou par résolution du plan en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce ou Judiciaire. Ne sont pas intégrées les procédures de fermeture ou dissolution à l’amiable de même que les révocations des mandataires sociaux.

Zoom...

À propos de l’association GSC : depuis plus de 40 ans, la GSC est la réponse élaborée par les organisations patronales face au besoin de protection chômage des chefs d’entreprise et indépendants. L’association GSC est l’association qui a souscrit le contrat d’assurance de groupe GSC auprès d’un pool d’assureurs (Groupama, Allianz, Generali, SMABTP). Elle est administrée par le Medef, la CPME et l’U2P qui l’ont conçue en 1979. Elle veille aux intérêts des dirigeants affiliés au régime. La gestion du régime a été confiée à Groupama - GAN Assurances.

À propos d’Altares : Altares est l’expert de la donnée d’entreprise, créateur de solutions de pilotage et d’indicateurs de la santé économique et extra-financière des entreprises et des organismes publics, au sein de leur écosystème. Grâce à ses outils et ses informations, Altares aide les responsables des structures privées et publiques, de toute taille et de tout secteur d’activité, à prendre sereinement des décisions éclairées. Partenaire exclusif en France, au Benelux et au Maghreb de Dun & Bradstreet, 1er réseau international d’informations sur les entreprises, Altares s’appuie sur une base de données mondiale de plus de 500 millions d’entités légales (dont 11 millions en France) pour aider les acteurs économiques à se développer durablement, en intégrant, entre autres, les enjeux essentiels de conformité et de RSE.