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Émilien Gangemi, président de la Capeb 57 : «La survie de nos TPE/PME locales est en jeu»

La crise de la Covid-19 impacte les entreprises artisanales du bâtiment depuis bientôt deux ans. Les premières conséquences de la crise ukrainienne viennent compliquer encore plus la situation pour les professionnels. Émilien Gangemi, président de la Capeb 57, fait le point. Leitmotiv : «rassurer, expliquer, c’est bien ; agir rapidement c’est mieux.»

La hausse brutale du prix des carburants fragilise les entreprises, les plus petites particulièrement.
La hausse brutale du prix des carburants fragilise les entreprises, les plus petites particulièrement.

Émilien Gangemi ne manie pas la langue de bois et lance un véritable cri d'alarme : «La crise ukrainienne a déjà des conséquences sur nos artisans locaux. La hausse du prix des carburants va mettre en difficulté beaucoup d’entre eux. On dit souvent que "quand le bâtiment va, tout va", et là, "le bâtiment ne va pas bien du tout." Le conflit déclenché par la Russie en Ukraine s’ajoute en effet aux conséquences encore présentes d'une pandémie qui n'a pas dit son dernier mot. Les entreprises du bâtiment mosellanes, notamment le tissu de TPE et PME qui fournit 90 % de l’emploi, sont soumises à des augmentations de prix ininterrompues et rencontrent régulièrement des problèmes d’approvisionnement depuis bientôt un an et demi, tant en ce qui concerne les matières premières, les matériaux, que les matériels. Elles ont été confrontées de nouveaux à ces difficultés fin 2021, avec l'envolée brutale des coûts des énergies.

«Geler le prix des carburants»

Émilien Gangemi constate : «les choses commençaient doucement à s’arranger et la crise ukrainienne vient à nouveau déstabiliser l’activité de nos entreprises. Pas un jour, pas une heure depuis le début du conflit sans que je ne sois interpellé par un chef d’entreprise local. La situation est très préoccupante.» En effet, depuis ce début mars, des augmentations importantes, particulièrement sur les carburants sont effectives. Ce qui impacte le salarié à titre personnel est décuplé pour une entreprise. 700 000 : c'est le nombre de véhicules estimés des entreprises artisanales du bâtiment intervenant sur l’ensemble du territoire français. Émilien Gangemi jette des perspectives qui ne sont pas optimistes : «Si la crise ukrainienne dure, la suite est simple à comprendre. Beaucoup d'entreprises locales n’embaucheront plus, mais également, risquent de licencier. J’ai déjà plusieurs exemples de ruptures conventionnelles sur le secteur. Et je ne parle même pas des salaires. Comment augmenter nos collaborateurs ? La prise de conscience est réelle chez les chefs d’entreprise sur le fait que vivre avec 1 300 € mensuels, c’est quasiment impossible. Comment faire ? Nos marges sont déjà fortement réduites.» Pour le président de la Capeb 57, les solutions doivent être immédiates : «le gel du prix des carburants, des taxes inhérentes. La TVA à 5,5 % appliquée et généralisée.»

Émilien Gangemi, président le Capeb 57, alerte sur les conséquences socio-économiques de la crise ukrainienne sur les entreprises locales.

Le Plan de Résilience Économique

La Capeb nationale, qui vient de transmettre un courrier à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, fait cette proposition : «il est indispensable que ces entreprises fortement génératrices d’activités et d’emplois bénéficient des mesures envisagées dans le futur Plan Résilience Économique, suggéré par le président de la République, afin qu’elles puissent amortir ce nouveau choc qui pèsera sur leur marge, leur trésorerie et leur capacité à agir. À cela s’ajoutent des annonces de hausses de prix intempestives de fabricants et distributeurs. À titre d’exemple, certaines de nos entreprises viennent d’être averties d’augmentations pour les armatures aciers de 15 % et pour le treillis soudé de 25 %, à effet immédiat avec une durée de validité de 48 heures. Cette façon de procéder est inacceptable. On ne peut tolérer que certains abusent de la situation extrêmement difficile que nous rencontrons actuellement.»

Une vague plus forte que celle de la Covid-19

Sur le périmètre mosellan, Émilien Gangemi assure : «la Capeb est à l’écoute de ses artisans. Pour les informer et trouver des solutions avec eux. Je m’interroge sur l’opportunité de rembourser les PGE par exemple. Compte-tenu, soyons réalistes, que des entreprises ne pourront jamais les honorer.» Le président de la Capeb 57 conclut : «nos entreprises ont un besoin sans faille des pouvoirs publics. À la hauteur des difficultés auxquelles elles sont confrontées. Les mesures instaurées durant la Covid-19 pour sauvegarder notre économie de proximité sont allées dans le bon sens. Il faut bien être conscient d’une chose. Les conséquences de la crise ukrainienne vont engendrer une vague économique encore plus forte. Les entreprises qui ont pu être sauvées précédemment ne résisteront pas cette fois. Il faut donc agir. Et pas dans trois mois.»

Les 10 propositions de la Capeb Moselle :

1. Plafonner les taxes sur les carburants en rétablissant la "TICPE flottante", avec effet
rétroactif au 1er janvier 2022 ;
2. Augmenter les montants de récupération de TICPE sur le gasoil routier pour les
véhicules d'un poids de 7,5 tonnes ;
3. Elargir la récupération de TICPE sur le GNR et le gasoil routier des véhicules
professionnelles de moins de 7,5 tonnes ;
4. Etablir un bouclier sur les prix l’électricité pour les entreprises ;
5. Proposer un report des charges des entreprises qui en aurait besoin, afin que leurs
trésoreries puissent résister aux augmentations de prix des matériaux et des
carburants, ainsi que des demandes de paiement des fournisseurs à la commande ;
6. Décaler et étaler encore davantage le remboursement du PGE sans pour autant
pénaliser les entreprises sur leur notation banque de France ;
7. Adoucir les cotations banque de France des entreprises du Bâtiment pour les années
futures ainsi que les notations des assureurs crédit ;
8. Demander aux fournisseurs de cesser leurs pratiques de paiement intégral ou à 50%
à la commande ;
9. Partager plus équitablement l’augmentation des coûts des matériaux et de l’énergie
entre les différents maillons : fabricants, fournisseurs, entreprises et client final ;
10. Prévoir la mise en place d’une TVA à 5.5 % sur l’ensemble des travaux de rénovation.