Coronavirus : l’Union européenne fébrile face à la crise !

Coronavirus : l’Union européenne fébrile face à la crise !

Face aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de coronavirus, l’Union européenne a bien du mal à coordonner ses actions. Il en va pourtant de la survie même de l’UE…

Eu égard à la pandémie de Covid-19, c’est désormais quasiment la moitié de la population mondiale qui est confinée ! Il est vrai que le virus a touché la plupart des pays de la planète à une vitesse formidable, ce qui ne manque pas d’interroger sur les délais de réaction des différents gouvernements…Toujours est-il qu’en plus des désastres causés par l’épidémie elle-même, ces mesures drastiques de « distanciation sociale » auront des conséquences importantes sur l’économie. Alors que Thierry Breton, Commissaire européen au Marché intérieur, affirmait, en mars dernier, que cette crise coûterait entre 2 et 2,5 points de croissance à l’UE, il y a fort à parier que la récession sera bien plus marquée, si le confinement devait s’étendre jusqu’au mois de mai. Une chute du produit intérieur brut (PIB) de 5 à 10 % en 2020 est alors tout à fait probable.

Des aides en ordre dispersé

Dans la précipitation, chacun des 27 États membres de l’UE a voté son paquet de mesures pour tenter de limiter l’impact économique de cette crise, qui menace de devenir également une crise sociale si le chômage augmente trop fortement. Ainsi, l’Italie a annoncé une enveloppe de 25 milliards d’euros, soit 1,5 % du PIB, et ce malgré une dette publique supérieure à 130 % du PIB. La France a pris des mesures immédiates de soutien aux entreprises et aux salariés à hauteur de 45 milliards d’euros (délais de paiement des échéances fiscales et sociales, rééchelonnement des crédits bancaires, chômage partiel simplifié, etc.), quitte pour cela à creuser son déficit public à 4 % du PIB et sa dette largement au-delà des 100 % du PIB. Emmanuel Macron n’a-t-il pas répété à l’envi qu’il viendrait en aide à l’économie « quoi qu’il en coûte » ?

Même l’Allemagne semble avoir remisé pour un temps sa sacro-sainte orthodoxie budgétaire pour venir en aide à ses entreprises. L’État allemand empruntera ainsi 156 milliards d’euros sur les marchés financiers (le double du montant emprunté, lors de la crise de 2008) et créera un fonds de stabilisation de l’économie de 600 milliards d’euros, destiné à donner des garanties publiques aux emprunts des entreprises et à entrer, éventuellement, au capital de certaines d’entre elles.

Une aide mutualisée par l’émission d’une dette européenne ?

Face à une crise dite symétrique, qui touche donc tous les pays européens, c’est une réponse commune européenne que l’on attendait. Hélas, en dehors de claquemurer l’UE et l’espace Schengen – sans efficacité avérée du reste –, les chefs d’États n’ont pas été capables d’aller plus loin que les 37 milliards d’euros d’aides annoncés le 13 mars dernier par la présidente la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Pire, lors d’un sommet par vidéoconférence le 26 mars, les 27 ont à peine réussi à s’entendre sur un communiqué commun… qui renvoie aux ministres des Finances la responsabilité de trouver dans les 15 jours une réponse commune lors de l’Eurogroupe ! L’Italie avait d’ailleurs menacé de bloquer ce sommet si « des instruments financiers innovants » n’étaient pas employés. Derrière ce vocable se cachait l’idée d’une émission mutualisée de dette publique au niveau européen, les célèbres eurobonds opportunément rebaptisés « coronabonds » puisqu’ils ne concerneraient que cette crise… Ligne rouge à ne pas franchir en Allemagne et aux Pays-Bas, qui a conduit Angela Merkel, en marge du communiqué officiel, à proposer plutôt à l’Italie l’aide du Mécanisme européen de stabilité (MES). Proposition refusée par le gouvernement italien, qui y voit, à juste titre, un pacte faustien, dans la mesure où l’aide du MES – créé en 2012 après la crise de la zone euro –, est conditionnée à un plan de réformes structurelles, qui équivaudrait à une mise sous tutelle de l’économie italienne.

La nécessité d’une coordination européenne

Dans ce contexte de ralentissement prononcé de l’offre et de la demande, une coordination européenne entre politique budgétaire et politique monétaire est indispensable. Ce d’autant plus que la Banque centrale européenne (BCE) a, de son côté, déjà dégainé l’artillerie lourde, en annonçant un « programme d’achat urgence pandémique » (PEPP), qui lui permettra d’acheter avec beaucoup de souplesse des actifs à hauteur de 750 milliards d’euros ! Il ne reste donc plus qu’à coordonner les politiques de relance budgétaire des États, afin d’agir « avec un cœur débordant, et non pas avec 27 petits cœurs », comme l’a exhorté poétiquement Ursula von der Leyen, le 26 mars.

S’ils n’y parviennent pas… Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, a fort justement averti, que « le manque de solidarité européenne [fait] courir un danger mortel à l’Union européenne ».

Raphaël DIDIER